Visage

Paupières closes parce que tu t’appliques. S’entrouvrent pour suivre tes doigts. La recherche dans le regard. Le tempo avec les joues. Parce que tu te concentres. Les sourcils qui s’avancent.

Tu portes l’eau au creux de la main jusqu’à tes yeux. Tu les asperges. Des ruissellements se forment jusqu’au menton. Tu reprends de l’eau au creux de la paume pour les racines des cheveux à la limite du front. Tu les plaques en arrière sans trop d’application. Tu souffles sur les gouttes et garde le visage humide.

Tu intériorises. Marques la pulsation. Un point précis entre les sourcils. Aux arcades. Menton bien en avant. Imperceptible relâchement des lèvres entrouvertes. Tu suis l’élévation de la mélodie. Tu retiens ton souffle à la syncope. Attentif aux détails. Quand ça t’embarque. Tu frémis. Tu respires. Tu contiens. Menton au sternum.

Tant de fois l’œil à l’inquiétude. À la préoccupation. À l’attention. À la vérification. À la sagesse. À la patience. À l’attente. À la rencontre. À la prudence. À l’analyse. À l’intérêt. À l’amusement. À l’incident.

Grain noir. Ovale poli. Courbe brune. Barbe incomplète. Œil bleu-nuit. Cernes claires.

La neige fond contre ta peau. Tu hausse le col aux oreilles. Un peu fatigué. Un peu fragilisé. Un peu pressé. Un peu maussade. Un peu préoccupé. Un peu envahi.

Visage tari. N’est plus là. Au fond du lac. Sous les clapotis. Visage sablé. Gouttes évaporées. Cils mouillés. Pommettes relâchées. Au soleil. Tempes séchées.

Pour rire. Pour tousser. Pour parler. Avec délicatesse. Pour extraire. Pour remarquer. En sourire. En tenir compte. Attentif.

Du côté des enfants qui jouent. Du côté du paquebot immobile. Du côté de la digue. Du côté d’une démarche. Du côté d’une silhouette. Du côté d’une femme. Du côté de la neige. En pleine lucarne. Du côté des graviers. Du côté du Vercors. Du côté des coteaux. Du côté de la place Notre-Dame. Du côté de la scène. Du côté de la rivière. Du côté des lambris. Du côté du métro aérien. Du côté de la pluie. Du côté de la mer. Du côté abrupte. Du côté des fumées et des lampes. Du côté de l’écran. Du côté de la muraille. Après la roue à aubes. Du côté de l’inoxydable. Du côté des archétypes. Du côté des faux-semblants. Du côté du miroir. Du côté du comptoir. Du côté de la baie. Du côté du chantier naval. Du côté du pont. Du côté des rayonnages. Du côté de la centrale. À la terrasse. Du côté des grands boulevards.

A propos de Antoine Gentil

Enseignant spécialisé auprès d'adolescents en ruptures sociales. Anime des ateliers, écrit du théâtre et des textes de chanson.