#40jours #15 | comment ça naît je me demande

Jazmin Quedor (sous licence gratuite Unplash)

comment ça naît comment ça vient je me demande souvent comment ça se fait bien sûr que ça se fait au-dedans de la terre forcément au début ça commence par un engin qui creuse et des camions qui font des tournées qui vident et remplissent embarquent du matériau en quantité ça creuse ça naît comment comme un mouvement ça commence par creuser avant de germer ça commence par creuser araser bétonner pour que ça tienne debout faut bien araser armer bétonner ça dure longtemps des mois des années ça fait du bruit du bruit difficile à supporter ça crée des no ’mans lands entourés de palissades toutes peintes ou collées d’affiches ça crée des îlots interdits perturbe la circulation ça perturbe ça crée des nuisances la nuit aussi le jour ça fait du bruit insupportable le jour la nuit comment ça naît je me demande alors faut bien qu’un jour ça commence et que ça creuse pour que ça s’élève inévitable faut du temps du temps qui se mesure en semaines pas en secondes je me demande pourquoi on dit que ça pousse comme des champignons même pas le temps de se retourner mais quand même ça dure des mois le creusement le bruit des camions ça germe ça suit des plans abracadabrants ça perturbe ça crée des îlots interdits à la circulation c’est difficile à supporter support en béton armé après araser armer monter les façades en suivant des plans c’est quoi tout ça pourquoi mais pourquoi et faut bien que ça tienne debout souvent je me demande comment ça se fait comment ça naît bien sûr que ça se fait et alors ça sert à quoi à la fin pour faire quoi quoi de ce temps qui se compte en semaines et en quantité de poutres métalliques de bruit de camions de moteurs de marteaux piqueurs ça s’implante dans le crâne ça creuse ça arme ça bétonne les circuits ça dure des semaines ça vient comme ça un jour ça commence et ça empêche de dormir ça dure ça dure empreinte le crâne finit par durcir les membranes ça pèse sur le reste et tout ça

A propos de Françoise Renaud

Parcours entre géologie et littérature, entre Bretagne et Languedoc. Certains mots lui font dresser les oreilles : peau, rébellion, atlantique (parce qu’il faut bien choisir). Romans récits nouvelles poésie publiés depuis 1997. Vit en sud Cévennes. Et voilà. Son site, ses publications, photographies, journal : francoiserenaud.com.

10 commentaires à propos de “#40jours #15 | comment ça naît je me demande”

  1. formidable on y est dans le grand remous du chantier de la tête comment ça nait oui comment ? Merci Françoise

    • Toujours une surprise, un petit bonheur à chaque commentaire…
      ça fait partie de la joie d’écrire et de partager
      oui Fil, après ta rumeur, mon chantier !!

  2. Le Ram Dam du chantier intérieur en écho à ceux de nos villes en perpétuelle mutation. Toutes les métaphores fonctionnent et ça se lit comme une litanie qui fore et ravine les certitudes, ça disparaît et ça surgit quoi qu’on veuille. A la demande, il n’y a pas de réponse. Il y a juste le bruit et les râles des matériaux qui s’entrechoquent. A part le casque anti bruit et les tisanes « merveilleux sommeil » je ne vois pas quoi faire d’autre. Déménager à la campagne ? Mais là aussi il y a de la nuisance sonore, certains coqs et certains clochers s’en souviennent. Doit-on porter plainte et faire des pétitions pour éliminer nos bruits intérieurs ?

    • Déjà merci d’être revenue vers mes pages, merci…
      et puis découvrir ton commentaire toujours si fouillé, qui donne écho au travail entrepris
      ça parle aussi de la ville qui se répand en largeur en hauteur et qui nous emprisonne, alors oui ! partir à la campagne… ici je n’ai que le murmure ou tumulte de la rivière selon la saison et en ce moment le frissonnement des ailes de martinet…

  3. J’aime beaucoup ton texte et un bravo particulier pour ce lancement :comment ça naît comment ça vient , avec ça , tu m’attrapes. Merci.

    • merci Laurent
      en fait je crois que le style proposé par l’exercice nous happe, à savoir comme ça, jeté, sans virgules, dans un souffle, dans une circulation imprévue… j’ai noté ça dans pas mal de textes, ça embarque drôlement…
      en tout cas je ne savais vraiment pas où j’allais, mais j’étais dans le chantier, c’est sûr…

  4. J’adore les textes qui, en décrivant une chose, en disent plusieurs autres comme celui que tu as magnifiquement construit autour de cette phrase incantatoire « comment ça naît comment ça vient ». J’ai beaucoup aimé !

  5. la création des choses, des corps, des bâtiments, des villes, des espaces humains, des espaces intérieurs, des histoires
    et puis le texte jeté proféré, ça fait du bien aussi…
    merci Helena