#40 jours #31 | SVT Airport

Figure 68 – Au décollage avec Fab – vidéoperso Marie-Ève – WP_20190602_008

Un jour, j’arriverai par avion. C’est vrai, la voiture c’est tous les jours, le train c’est une fois l’an. Mais l’avion… Pourquoi est-ce que je le prendrais seulement pour des grandes destinations ? Aéroports de Bordeaux, Marseille, Paris, Londres, Lisbonne, Tunis, Montréal… et pourquoi pas Sauveterre en avion de ligne ? La piste va être refaite en dur. Mille quatre cent dix mètres sur vingt-trois, ça devrait passer pour ces gros engins, non ? En plus, SVT, dans le code IATA, c’est pas encore pris. Mais je me contenterai d’un vieux coucou. Un petit vol avec Fab, depuis Blagnac, dans un Mosquito. Ce serait bien ça. Une arrivée la nuit. Et on arriverait de très haut et on descendrait en spirale.

Je leur dirais Venez ! venez voir ! mon baptême de l’air en plongée sur Sauveterre ! c’est calé ! Un clic, et voilà. Le cockpit, la nuit. La lumière rouge dedans, ou verte. Ou rien. Juste les mille et une lumières sur le tableau de bord, au plafond. Des lumignons, des boutons partout. Par terre peut-être. Avec des chiffres, des lettres, des aiguilles. Un petit écran au moins, avec des lignes fluctuantes, ou des droites fines, discontinues, et comme un clavier spécial, et on touche surtout pas. Mais ça c’est dans les avions de ligne. Mon vieux Mosquito c’est sûrement plus simple. Si ça se trouve y a pas grand-chose et on voit presque rien.

Et par le hublot on verrait la nuit, le halo lumineux des villes au loin, des villages aux alentours, mais ça dépend de l’heure. Quelque chose comme un liseré pourpre sur l’horizon, qui glisserait sur l’estuaire ou l’océan au loin, ça dépend de l’altitude. Et le voile sans fin de la voûte céleste, apparaissant peu à peu dans le virage qui s’amorce. Et on descendrait comme ça, en tournoyant, comme un oiseau monte sans fin dans une colonne d’air chaud.

Et pourquoi qu’on entend pas ? — C’est vrai, t’as pas mis le son ? Non, pas de son. La machine a un problème de pilote. Mais pas besoin de son. Qu’est-ce que tu veux entendre ? le bruit du moteur ? le tremblement de la carlingue ? le barouf que ça fait ? Non, pas besoin. Ça se regarderait comme ça mon petit film, en laissant planer le silence. Et c’est sûr qu’il se remettra en route tout le seul le son. T’entends pas déjà, comme le vent glisse ? tu sens pas sa fraîcheur sur ton visage ? pourtant j’ai ouvert le hublot. Sans le reflet de toutes ces lumières dans le cockpit, on voit mieux celles de Sauveterre en approche et la voie lactée.

Un passage au-dessus de la ville illuminée, ses lignes lumineuses entrecroisées, la ceinture de la rocade, les nœuds des ronds-points. Sa structure étoilée. Et puis rien autour. Les lignes se perdent dans le tapis noir de la campagne, des collines et des bois invisibles. Je me demande si je parviendrais à reconnaître le château. Sûrement, avec son ancien parc en forme de trou noir. Et la Seüle ? est-ce que ce serait cette nervure noire et sinueuse, et quelques excroissances ? et cet angle droit là-bas ? là où ça remonte et disparaît vers les carrières et la géothermie avec sa cheminée, sa balise aérienne clignotante ? rouge ? Et y aurait-il des reflets pourpres, roses ?

La piste en approche. La balise blanche et verte de la petite tour, où il n’y a plus de contrôleur. L’indicateur de pente d’approche, deux lampes rouges et deux blanches. Enfin j’espère. Les deux lignes orangées de la piste. L’horizon qui s’éclaircit. Et on dirait devant l’écran — et ça pourrait bien être moi : Sauveterre sol bonjour euh… sierra alpha india golf novembre actuellement point d’arrêt piste une euh… demande taxi pour parking général… — Sierra golf novembre bonjour monsieur euh… roulez parking de l’aviation générale sur votre droite via papa trois, papa deux, papa unité, kilo. Vous y trouverez votre médaille du plus grand nombre de boucles en spirale réalisé en un seul atterrissage !  

Voilà. On roulerait sur la piste jusqu’au hangar. Je compterais les voyants ou les lignes au sol. Avec la tête de Fab, son casque, les cheveux en bataille, l’air impassible, le pouce levé. Les gaz coupés, on descend. Et maintenant ? de cet aérodrome au milieu des champs, entre deux coteaux, on y va comment à Sauveterre ? avec un engin du chantier ? Tu préfères quoi ? le chargeur à chenilles ? le rouleau compacteur ? le camion répandeuse ? la niveleuse ? la pelle ? le bull ? le rétrochargeur ? le finisher ? y a que l’embarras du choix ! On se garera dans les carrières. Oui, mais y a pas les clefs. Alors en stop. Seulement vu l’heure…

Figure 69 – Sur la piste de Sauveterre – Photo Cdc de Haute Saintonge sur AeroBuzz, « Du dur pour l’aérodrome de Jonzac » (15/09/2017) – consulté le 06/08/2022

A propos de Will

Formateur dans une structure associative (en matière de savoirs de base), amateur de bien des choses en vrac (trop, comme tous les grands rêveurs), écrivailleur à mes heures perdues (la plupart dans le labyrinthe Tiers Livre), twitteur du dimanche sur un compte Facebook en berne (Will Book ne respecte pas toujours « les Standards de la communauté »), blogueur éphémère sur un site fantôme (willweb.unblog.fr, comme un vaisseau fantôme).

2 commentaires à propos de “#40 jours #31 | SVT Airport”

  1. Là je dirais Cendrars : voyageur, joyeux, bon copain et foutraque. Je pense à ce passage… dans quoi déjà ? bourlinguer ? Un merveilleux oiseau des îles qui dépérit dans une cabine de bateau je crois… en tout cas c’est bien.

    • Bourlinguer, oui… à relire. Merci de m’y faire penser. C’est beaucoup de voyages Cendrars. Je sais ce qu’il me reste à faire pendant mes vacances. — Merci Marion.