#40jours #33 | vite

Vite, progresser, avancer, aussi vite, assez vite, aussi vite que le vite d’à côté, qui pousse, qu’on sent derrière, inquiétude, le vite qu’on a pu, qu’on ne peut plus, corps inadapté, effroi, les roues du caddie grand pour le cas où et maintenant que du vide lourd à tirer derrière soi, les roues qui se coincent entre les pavés, inquiétude, les trottoirs trop hauts et chacune des roues de la poussette à indiquer une direction différente, ça bloque, pousser, appuyer, le vite du bonhomme vert qui est repassé au rouge, les voitures qui démarrent en trombe, effroi, attendre, prendre le temps, arrêter le vite du corps, le tromper, le distraire, lever le nez, alors qu’eux de l’autre côté du passage piétonnier ou à côté de soi décide de traverser, inquiétude, sentiment d’inadéquation, d’incompréhension d’un code qu’on ne possède pas, rentrer sous terre, rêver de traverser les murs, chercher abri dans sa tête, sa main enserrant un gobelet en carton, en bambou, ne pas polluer la planète, depuis son corps depuis longtemps abandonné et posé là à même le sol avec les jupes larges bien tirées sous elle et le dos appuyé à la balustrade du carrefour, pour protéger qui, de quoi, son dos à elle appuyé contre, son corps allongé caché sous un sac de couchage, l’emplacement choisi avec son effacement au petit matin, inquiétude, même pas un trait à la craie pour réserver l’endroit ou indiquer ici il s’est passé quelque  chose, les larmes de la dame assise sur les marches qui étaient là à disposition quand l’émotion a débarqué, et au fronton il est gravé « église », le visage de l’enfant qui passe et les deux visages jeune et vieux à même hauteur, mais un qui ne bouge pas, quand l’autre est entraîné, sur le visage de l’enfant blond et ses yeux qui la fixent, tandis que par la main son père tire, qui n’a rien vu ou fait comme si, toute l’incompréhension du monde, être adulte et pleurer, inquiétude, alors tordre la bouche malgré le chagrin et dans la figure en ruine ouvrir un sourire et lui tendre, le sien en réponse, son visage qui lui sourit, tourné tant qu’il peut, parce qu’une main l’entraîne, l’intensité de quelques seconde pour casser l’effroi, vaincre l’inquiétude, récolter quelques pièces vite, vite tendre la main, jongler, servir et sourire, marcher, vite, malgré la chaleur, marcher, pédaler, rouler, laisser filer la trottinette, vite, aller vite, se déplacer, ne pas perdre du temps, en gagner, le temps c’est de l’argent, défiler, le plus possible, imprimer leurs rétines à tour de rôle, parfum de luxe, voiture de luxe, bouffe de merde, se coller au regard des piétons empêchés, puis des automobilistes arrêtés, acheter, consommer, davantage, désir, désir, envie, besoin, tuer l’inquiétude, briser l’effroi, images conçues pour pénétrer, s’immiscer, être inoculées, 2,5€ café + viennoiserie, vite, pas le temps de choisir, passer outre la vitre pour lire la composition, salade ou sandwich, vite, la vendeuse attend, les clients derrière, vite, prendre n’importe quoi, le corps harcelé par la pression de leur vite, malaise, inquiétude, effroi, trouver l’argent, vite, tendre billet assez gros, être sûr que c’est assez, les pièces jamais tendues, pas sorties assez vite, dehors vite, main tendue aux ongles noirs, vite, une pièce, vite, pas trop petite, effroi, inquiétude, quelle différence entre lui et moi, effroi.

A propos de Anne Dejardin

Projet en cours "Le nom qu'on leur a donné..." Résidences secondaires d'une station balnéaire de la Manche. Sur le blog L'impermanence des traces. https://annedejardin.com. Né ici à partir de l'atelier de François, Photographies. Et les prolongations avec un texte pour chaque nom qui dévoile un bout de leur histoire. Avec audios et vidéos, parce que des auteurs ou comédiens ont accepté de lire ces textes, l'énergie que donnent leurs voix. Merci. Sur Youtube : https://www.youtube.com/channel/UC71EVLVR9RIVzTojzdI8yfg

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