A propos de Émilie Marot

J'enseigne le français en lycée où j'essaie envers et contre tout de trouver du sens à mon métier. Heureusement, la littérature est là, indéfectible et plus que jamais nécessaire. Depuis trois ans, j'anime des ateliers d'écriture le mercredi après-midi avec une petite dizaine d'élèves volontaires de la seconde à la terminale. Une bulle d'oxygène !

#été2023 #05 | Renée C. (1931-2023)

La fille – J’ai reçu un appel de la maison de retraite. On m’annonce que c’est pour bientôt. Que je n’aurai peut-être pas le temps de faire la route. Qu’elle serait partie avant. J’ai répondu qu’elle pouvait partir, qu’elle ne m’attende pas. Je lui avais tout dit. On s’était tout dit. Avant-hier elle avait même hissé difficilement sa main pour me Continuer la lecture#été2023 #05 | Renée C. (1931-2023)

#été2023 #04bis | dans la nuit de samedi à dimanche

1 fantômes pas vus pas pris bruissant palpitant grains des photos de sables mouvants des silences des non-dits échappés des filets de la mémoire (Note de carnet) 2 Dans la maison épaisse de nuit et de silence, il ne dort pas. Comme les autres nuits. Le visage pâli par le halo de l’ordinateur. 3 Elle s’est brusquement réveillée happant l’air Continuer la lecture#été2023 #04bis | dans la nuit de samedi à dimanche

#été2023 #04 | de la maison rouge à la plage

De la maison rouge à la plage, il faut compter un kilomètre peut-être. C’est toujours trop long pour ses pas d’enfant, impatiente de rejoindre le sable, l’écume, les vagues et les surprises de la marée. La grand-mère et la grand-tante sous leurs chapeaux fleuris tiennent l’arrière-grand-mère chacune par un bras et c’est elle, leur mère, qui donne le rythme à Continuer la lecture#été2023 #04 | de la maison rouge à la plage

#été2023 #03bis | elles sont quatre dans la petite chambre

L’aide-soignante revient avec un yaourt. Elles sont quatre maintenant dans la petite chambre. Avec tout le matériel médical qui vient d’arriver, et les meubles, il ne reste pas beaucoup de place. L’aide-soignante redresse un peu le lit. « Allez, Mme C., on va essayer de manger ce yaourt. Il est frais. Ca va vous faire du bien. » La mère regarde sa Continuer la lecture#été2023 #03bis | elles sont quatre dans la petite chambre

#été2023 #03 | « Un café ? »

« il ne reste que l’absence pour se rendre visible » (Claire Marin, Être à sa place, LDP, 2022, p. 39) Comme je l’ai dit, une tignasse et une main dans la demi-pénombre. Endormie sur un matelas improvisé posé sur des palettes. Tout contre une fenêtre aux carreaux cassés et la végétation qui entre dedans à flots verts et lumineux. Je n’ai Continuer la lecture#été2023 #03 | « Un café ? »

#été2023 #02bis | no man’s land

On aurait dit qu’il avait fallu partir vite. Le silence et le vent dans les arbres. Face à moi, un vaste espace laissé à l’abandon. Ancien hôpital militaire puis centre de formation. M’avait-on dit. Tout à coup, irréels mais bien vivants des cris et rires d’enfants dans ce lieu fantomatique. En bord de forêt et de ravine, une école maternelle Continuer la lecture#été2023 #02bis | no man’s land

#été2023 #02 | et dans tout cet abandon

Tout ce fatras. Il faut regarder où mettre les pieds avant de franchir le seuil. Je n’ose pas m’appuyer sur la porte en bois toute vermoulue gorgée d’eau des dernières pluies. A terre des détritus noircis d’humidité crasse et au travers dans ce vrac les tommettes toute rouges bien que blanchies parfois d’usure. Au mur des taches des pans de Continuer la lecture#été2023 #02 | et dans tout cet abandon

#été2023 #01bis | y a-t-il eu

y a-t-il eu j’ai peur que non pas vraiment qu’elle est à vivre encore cette scène y a-t-il eu elle est bien bonne cette question-là de savoir quand où débarrassée de tout ce qui pourrait gêner empêcher y a-t-il-eu non pas l’impression ou alors par instant toute vive et fugace vécue oui la sensation que là passager le temps d’une Continuer la lecture#été2023 #01bis | y a-t-il eu

#été2023 #01 | plein nord dans le grand vent et la toute beauté

Ton bureau nomade s’est posé. Enfin. Plein nord.  On est vendredi soir. La mer d’un gris laiteux sur ta gauche fait presque un avec le ciel délavé. Ton bureau s’est ancré. Enfin. Son bois noueux s’enracine et trace déjà le chemin des grandes forêts là tout près en bord de ravine, et dans les plis et replis des veines du Continuer la lecture#été2023 #01 | plein nord dans le grand vent et la toute beauté

#été2023 | #00, prologue | d’où sourd le désir

Tout part du ventre. C’est là qu’il s’est installé en toi. Tu le comprends aujourd’hui. C’est au collège que tu l’as lu pour la première fois. Ton professeur de français l’avait choisi. Alors ce n’était pas rien. Tu l’as donc lu et relu cette année-là – tu étais en troisième – et puis pas plus après, ou bien par fragments, Continuer la lecture#été2023 | #00, prologue | d’où sourd le désir