autobiographies #14 | caméra-oeil

coups de canif de Jacques Villeglé, ses assistants au pied de biche assurent l’arrachage des affiches

quelques secondes dans les silhouettes découpées de Lotte Reiniger

la première échographie dont il faut dépublier l’image parce que la mère ne veut pas

un tissu sur le visage de l’enfant à la sortie de la maternité

la photographie par Hans Hartung du photographe en train de photographier Hans Hartung

lynotype abandonnée aux ferrailleurs 

dans les yeux de Louise Forestier, un instant

l’homme en salopette inclu dans une bouteille photographiée par André Villers est Michel Butor 

oeil cinéma, caméra oeil du lever au coucher du soleil

On advient qu’au présent expose une voix d’homme sur les ondes d’une radio.A présent, quand le message est le médium, seule la mise en scène de soi fait contenu.

militante en larmes un soir de victoire électorale

la voix de Godard et les viet-nam en nous

rouge, bleu, jaune des totems rêvés d’Albert Chubac

la peau d’une table mise à plat par Max Charvolen

en hiver, lever de soleil, derrière une île sanctuaire

goéland curieux et gourmand dans la loggia de l’hôtel

arrivée première à la cascade des Anglais

reflet troublant, miroir, basse lumière, une main danse

plis, courbes, volutes du drap de lin froissé

cendres et guitare confiées à la mer

arbuste touché à chaque passage, mezouzah vide à l’entrée du jardin

les gestes lents de Delphine Seyrig dans un film de Chantal Akerman 

crispations du visage en gros plan de Gene Hackman au volant dans un film de William Friedkin

flacon de Mitsouko, posé là

un lièvre miniature, un éléphant minuscule, la voûte étoilée en nous

Avec la brume, les nuages et la mer, les scénographes italiens mentent parfois pour faire croire qu’il n’y a pas d’îles à l’horizon.

Jacques Villeglé à Corte le 23 janvier 2001 • © Jean-Pierre Duntze -INA

A propos de Ugo Pandolfi

Journalist and writer based in the island of Corsica (France) 42°45' N 9°27' E. Voir son blog : scriptor.

5 commentaires à propos de “autobiographies #14 | caméra-oeil”

  1. voilà qui me ferait parfait exercice de transition pour les explorations à venir, ou bien parce que j’avais déjà ces explorations en tête que j’ai souligné comme Ernaux s’appuyait sur le cinéma ? en tout cas plaisir à lire

  2. J’aime beaucoup, l’œil cinéma, le goéland curieux, le lièvre miniature et Louise Forestier et la main qui danse, merci pour ce texte.

  3. d’une affiche qu’on arrache aux îles qui se cachent, de rues en mer, de matière en bestiaire (sans mise en scène de soi) la poésie libre des images déliées