bicentenaire Baudelaire | 5 propositions d’écriture

#1 | la forme d’une ville, écrire une parenthèse

– s’il vous plaît, faites l’essai : publiez vraiment une parenthèse, et si vous ne l’avez pas fait, modifiez votre texte en conséquence ? ce n’est pas qu’une question typographique…

– un lieu forcément très important pour vous, lieu public ou privé (maison, jardin aussi bien que rue ou ville…);

– il s’agit d’une parenthèse : elle s’ouvre en début de texte, ce qui signifie qu’on n’a pas à savoir ce qui vous mène là, ni dans quel texte global cela s’insère, ce sera uniquement une suite de parenthèses….

– le lieu est vu mentalement dans le passé, à la date qu’il vous convient : seulement, si c’est une image précise qui induit la réminiscence, on va être le plus près possible du temps où est advenue cette image (le cygne…)

– la fin de la parenthèse c’est le retour au présent, mais un présent alors traversé par la réminiscence, rendu plus abstrait, fantasmatique, voir chez Baudelaire l’accumulation…

– tag (merci d’y veiller) : Baudelaire #1

#2 | la rue assourdissante autour de moi hurlait

– Walter Benjamin le premier a mis au jour l’énormité formelle que propose ce sonnet des Tableaux Parisiens, en se basant sur le temps référentiel nul d’un simple croisement de regard, tout le reste du poème, tant en amont qu’en aval, étant la reconstruction contextuelle de ce temps sans durée…

– ce que bien sûr je vous propose d’explorer : en quoi d’annuler la durée de l’échange avec le réel démultiplie son intensité, décuple la réminiscence du contexte…

– tag (merci d’y veiller) : Baudelaire #2

#3 | au fond de l’inconnu pour trouver du nouveau, juste une liste

– tout à la fin des Fleurs du Mal, placé à jamais en fin ouverte de la section «La mort», le paradoxe du «Voyage» c’est aussi de s’ancrer dans l’expérience préliminaire à tout le trajet Baudelaire, l’embarquement contraint et forcé de ses 20 ans, le demi-tour depuis l’île Maurice, la décision de poésie : voyage refusé mais qui, dans les premiers poèmes des Fleurs du Mal, horizons, soleils couchants et la mer elle-même, en sera la matière

– huit parties arbitraires dans ce poème, huit figures de l’approche rhétorique des figures principales, y compris cette rhétorique elle-même («Et puis? Et puis encore?»), et le dernier quatrain évidemment comme détaché ou double : départ qui se fait vers l’après-livre…

– les mots de ce dernier quatrain : poison, feu, cerveau, gouffre, et puis, dans le dernier vers, le mot inconnu, le mot nouveau (ce qu’en feront Char ou Rimbaud…)

– non pas tenter le poème soi-même, Baudelaire est là ultime, mais se contraindre à liste, à devoir d’inventaire : quelles figures du présent, quelles images chacun.e d’entre nous forme, qui puisse être relié à ce vers ultime : Au fond de l’inconnu pour trouver du nouveau…. écrire une liste, s’en tenir à.

– tag (merci d’y veiller) : Baudelaire #3

#4 | Grands bois vous m’effrayez comme des cathédrales

– oublié de le souligner dans la vidéo : ce texte est au présent de l’indicatif (même si le temps se déplace au cours du poème, c’est toujours au présent), merci d’écrire uniquement au présent, l’obsession vous rejoint depuis tous ses âges, à travers tous vos âges, même tapie au fond de vous-même, c’est un présent

– trouver le point de départ : une peur d’enfance, un rêve récurrent, une angoisse ou ce qui palpite sans qu’on sache le pourquoi, c’est aller remuer du malaise, ou ce qui fait mal ? non, le traiter comme un «intérieur», chambre ou cathédrale, grand bois, océan ou «coeur» à faire sans cesse varier l’échelle c’est ce qui va nous en protéger – on n’écrira rien de biographique, on écrira seulement les récurrences intérieures de l’obsession

– soyez bloc, évitez le poème, cherchez le brut, laissez-le tel quel, pas de vers, pas de rimes mais par contre : remarquez, pour ce mot obsession, la prégnance que Baudelaire donne aux réminiscences ou rémanences auditives : entrez dans le bruit, mêlez le vacarme extérieur à l’imperceptible de l’intérieur…

– tag (merci d’y veiller) : baudelaire #4

#5 | chambres, enquête, fantômes

Au cas où, je vous remets à dispo les 2 documents importants :

  1. Liste des 32 domiciles répertoriés de Baudelaire à Paris, jusqu’à l’établissement du 16ème actuel où il est décédé en 1867, à 46 ans, ou l’hôtel Pimodan dans l’île de la Cité.
  2. Quelques-unes des approches multiples utilisées par Georges Perec pour accumuler de la matière écrite sur la rue Villin, où il est né et a vécu avec sa famille de 1937 à 1942 mais dont il n’a pas de souvenir conscient.

Et donc, mais sûr que ça va être étonnant parce que multiplié par le nombre de contributions –  c’est la multiplicité et la diversité des lieux dans les différentes contributions qui créera l’effet de fantôme, ne pas le chercher intentionnellement dans la contribution elle-même (en tout cas, c’est de cela que je suis curieux).

  1. Choisir (mais justement parce que la carte de Paris que cela dessine arbitrairement est révélatrice aussi des changements de la ville) selon affinité ou commodité, un lieu précis, y compris la tombe, visible depuis l’école. Sur place, 30’ suffisent : un protocole de notation, relevé, description, signes, objets, personnes, sons, voire même seulement le ciel, et même une porte fermée.
  2. C’est l’accumulation des 18 approches qui créera le décalage temporel. On ne se préoccupe pas de réinventer le passer, on prélève une suite de signes au présent.
  3. Bien sûr un carnet et un stylo suffisent, mais relevé textuel sur téléphone, énoncé vocal au dictaphone, suite de 10 images fixes, traveling vidéo commenté ou pas, c’est ce micro-fragment de ville qui compte, plus que le média utilisé : sentez-vous libre… on assemblera tout ça en fonction de vos choix.

J’insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas de lubie personnelle (ça je m’en charge seul !), mais d’une approche enracinée via des auteurs comme Walter Benjamin (Paris Capitale du XIXe siècle), Guy Debord (Psychogéographies), Jacques Roubaud (La forme d’une ville, hélas…), Jean-Christophe Bailly (Dépaysement, voir par exemple sa marche de Cachan à Poterne des Peupliers en suivant le RER…).

Pour les Parisiens, j’espère que ce petit temps de balade, ce « détour » ne sera pas préjudiciable à vos contraintes de temps et vos itinéraires dans la ville ! Pour les non Parisiens : les souvenirs, ou pourquoi pas Google Street View et sa petite horloge ?

• Tag (merci d’y veiller) : Baudelaire #5.

rappel

– cet atelier (propositions hebdomadaires jusqu’au 9 avril 2021, jour anniversaire) est libre et ouvert;

– il ne s’agit pas de mimer Baudelaire, ni d’écrire en rimes et alexandrins, mais bien d’inventorier les enjeux au présent de ce qu’il innove et dérange;

– l’accès à ce blog est libre pour tous les abonnés à Tiers Livre, ou personne ayant déjà participé à un de nos cycles d’atelier d’écriture

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