carnets individuels | Juliette Derimay

Mode d’emploi :

– Juste des notes, avec flèches, astérisques, renvois, ratures, ajouts et tout et tout. Comme c’est sur WordPress, ça semble bien rangé, mais attention, ce sont de vraies notes, avec de vrais doutes et de l’authentique non-relecture !
– Les notes en caractères normaux sont celles à retrouver dans le carnet collectif, du brut, du sur le vif, du pas mis en forme, du tout cru et tout nu. C’est l’idée que je me fais d’un carnet
– Les notes en italique sont des notes d’après, nourries d’autre choses en plus, les épices de ma petite cuisine. Mais toujours des notes, toujours crues et nues, juste des mots, pas mijotés, pas habillés de phrases
– Et les photos, c’est pour faire beau. Pour attirer les regards, les lecteurs potentiels et qui sait, les coups de main pour les réflexions en cours … Au cas où, d’avance un grand merci

#40 | instructions pour que continue le carnet

1 – commencer par les sens, les 5 s’en servir, tout le temps et ne rien perdre de ce qu’ils attrapent

2 – ne rien négliger, son, couleur, goût, tout stocker soigneusement, pour un jour peut-être

3 – tourner autour de tout, aller voir derrière dessous et dessus, changer de point de vue pour voir vraiment

4 – laisser venir les choses

5 – quand elles arrivent les accueillir et ne pas les laisser repartir

6 – marcher le jour et la nuit, au milieu des gens et loin d’eux. Les mains dans les poches

7 – laisser faire le temps, lui faire confiance

8 – écrire

9 – réécrire encore une fois

10 – et puis, les mains loin du texte, tuer les doutes. Les tuer tous. Un par un.

11 – et sauter

Trop d’instructions ou pas assez, pas les bonnes, pas dans l’ordre, pas dans le bon ordre, tout jeter, tout refaire, ne garder qu’un seul mot : écrire

Et l’image, c’est juste un lever de soleil, pour faire joli et pour pour marquer le début de la suite du carnet

#39 | ce dont on ne peut parler

Secret, pas dit, à peine pensé. Honte, rouge aux joues, oreilles bouillantes, cœur en montée et mains moites. Pousser les portes, les murs, les grilles, les idées vraies ou les fausses, les conventions, les habitudes, les traditions, les images qui collent si mal à ce qu’elles prétendent être, les promesses trop faciles et bien trop rapides, les idées qu’on se fait de comment ça serait si jamais, les idées qu’on se fait de ce qu’il faudrait être de ce qu’il faudrait faire. Oublier les regrets, ne plus chercher trop loin où enterrer les doutes. Se retourner bêtement comme des gants trop ajustés, sentiments en dehors et non plus en dedans, il serait là peut-être le secret de plus de secret ?

Pirouette, pas de secret, pas dans ce carnet-ci, alors tourner la difficulté, il est là le secret …

#38 | stratégies du rêve

Rêves à l’ancienne, hommage à l’argentique, noir et blanc, dessin au trait, beaucoup de droites et peu de courbes, des escaliers, des cages d’escaliers, des couloirs, des portes souvent fermées mais parfois ouvertes sur des portraits un peu flous. Le tout se dessine sans peine au crayon HB, hachures pour les ombres et traits pour le reste

Rêve en noir et blanc ou souvenir qui effacerait les couleurs à l’arrivée du matin ? quoi qu’il en soit, résultat final au trait, en contraste et valeurs

#37 | du par cœur

Sois sage Ô ma douleur et tiens-toi plus tranquille.
Dans le chantier en cours, le personnage de Blaise, manchot, et ses douleurs fantômes dans la main qu’il n’a plus, la difficulté de devoir reconstruire sa vie autrement après l’accident, tout tourne autour de cette phrase, remontée à la surface des « par cœur d’école » par la première personne a qui j’ai parlé de ce projet, ma voisine. Blaise était déjà dans ma caisse de personnages potentiels depuis un moment, encore là dans l’atelier « écrire la ville », et toujours là dans le carnet. Pas sûre que la phrase fasse encore surface dans le projet final (le ô un peu grandiloquent, la renommée de ce vers qu’on retrouve partout et à toutes les sauces, …), mais elle fera partie du socle, des fondations du texte. Autant par son sens que par l’adresse à la douleur, réflexion sur narrateur, pronom et tout et tout ce qu’elle a amené comme questions

Longtemps hésité sur la phrase à choisir. Finalement, c’est Baudelaire qui a gagné, référence au chantier d’écriture en cours. Mais dans les souvenirs d’enfance, aussi les tables de multiplication, le fameux huit fois sept cinquante six qui m’a si longtemps, et si étrangement, échappé…

#36 | routines du lire écrire, et quoi faire de mieux

Fréquences, durée et horaires aléatoires, selon les saisons, la météo et le travail. Routine statistiquement la plus fréquente : écriture le matin avant heure de lever. Surtout en été quand le soleil est matinal. Suivant possibilité matérielle et environnement, ordinateur ou téléphone. Écriture après le repas de midi, en guise de pousse-café, sur téléphone (comme en ce moment). Relecture dans l’après-midi, au fil des pauses, si pause. Lecture le soir avant de dormir, livre ou téléphone et en cas d’insomnie sur téléphone (écriture parfois aussi). Quand écriture sur téléphone, avec l’application Ulysses, puis récupération sur Word sur l’ordinateur si besoin de faire plus long ou plus structuré. Écoute de podcasts et vidéos YouTube, pendant le travail si possible ( travail manuel) ou pendant la descente jusqu’à la route (1,5km A/R par la forêt, suis à la montagne). Mise en forme des textes et des écrits plus longs, le week-end quand pas de travail, le soir quand ça presse. Parfois la semaine si pas de travail et rien d’autre que le travail (la vie ça prends du temps). Donc plutôt du court, au mieux, plusieurs courts qui font un long. Si tout va bien

#35 | la panne, l’embrouille

Et le h. Il va où le h ? Tu sais qu’il y en a un. Avant le b ? Après ? Pourtant tu vois encore l’enseigne, les couleurs des lettres, le fond, le paysage derrière. Tu l’adores. La preuve, tu sais parfaitement qu’il y a un h. Si tu connaissais la langue, ce serait logique pour toi. Mais tu ne vas quand même pas apprendre le gaélique juste pour savoir où est ce h ! Et non, pas de Google, trop facile. Cherche, souviens-toi. Pas l’oubli, pas lui, le laisse pas approcher

#34 | ah ça ce serait une histoire pour…

Notes de chevet de la dernière nuit avant de partir en voyage. Des listes et des listes qui défilent dans la tête, qui tournent et font spirales, qui se recréent sans fin, remplies de au cas où. Des vêtements aux papiers sans oublier les livres et la lampe pour les lire. Assez de chaussettes? Assez chaudes ? Et les notes de notes, qui empêchent de dormir. ah ça ce serait une bonne histoire pour Sei Shonagon …

#33 | faire le vide

Sans les trop grosses machines, le vide n’est jamais vide. L’air de rien, il y a toujours de l’air. Un peu. Alors prendre des images comme on va prendre l’air, prendre les bonnes couleurs ou juste les bons contrastes, entendre les bons mots, les lire haut dans sa tête, prendre les bonnes cartes celles qui donneront le là, y poser ce qu’on a pour en faire de l’humus, pour être dans l’ambiance comme un arbre qui pousse dans le terrain fertile

Toujours ma méthode, le besoin de marcher, d’écrire avec les pieds

#32 | les morts sont parmi nous

Il avait mis le bureau loin de la fenêtre, quitte à allumer la lampe plus vite, à l’éteindre plus tard. La fenêtre c’était juste pour le jour, pour la météo, loin de la vue. Parce que c’est pour la vue qu’il était venu. Pour le calme, pour la vie comme il la voulait, toute nue et toute crue, juste elle, en vrai. Mais il y avait le travail. Les dessins, les textes, les urgences, à écrire, à dessiner. Alors la vue il en a finalement pas beaucoup profité. Si peu profité…

Pas un mort à moi par les gènes, mais un mort à moi par l’attachement à celles et ceux qu’il a laissé•e•s

#31 | de l’état du monde

Tu serais pour que les petits fassent le monde qui leur plaît, sans être mangés par les gros, par ceux qui ne laissent pas de place à ce qui fait du sens, ce qui est là pour nos sens, les cinq de d’habitude et le bon sens surtout, celui qui est commun. Tu serais pour que personne ne puisse broyer personne, que chacun ait sa place, là place qui lui plaira, sans faire sa loi à lui ni à toi, ni à elle, pour que l’envie devienne la seule règle qui soit, quoi qu’elle en soit

Choix difficile, si difficile ! impossible ? être juste, sans trop ni trop peu, devant l’étendue des besoins et celle de nos avoirs… S’investir sans se dissoudre, où placer le rideau de ce qu’on ne peut plus voir pour encore voir le reste, choisir la direction de son regard, choisir de mettre un seul point en avant comme on choisirait une étoile quand il y en a tant…

#30 | fait divers, tout petit fait divers

Une vache échappée de son parc provoque un accident de la circulation. Trois familles touchées. La vache avait un veau que l’éleveur voulait présenter pour les concours agricole du printemps, il comptait aussi sur ces bêtes pour remettre à flot ses affaires compliquées par me récente épidémie de Covid côté trésorerie et le conducteur qui avait emprunté la voiture de ses parents sans leur dire. La vache a dû être euthanasiée le veau a donc perdu sa mère

#29 | on n’aurait pas dû, voilà

Tu n’aurais pas du leur parler en étant énervé tu aurais dû te calmer avant, réfléchir à ce que tu allais dire, à ce qu’il fallait dire, respirer un grand coup et pas te fâcher te mettre à crier. Tu n’aurais pas dû. Maintenant voilà

#28 | ruminé, rabâché, ressassé

faut t’y mettre sérieusement pas traîner trainasser trainailler glandouiller rêvasser sautiller à droite et gauche suivre les mouches les oiseaux les nuages faut t’y mettre vraiment te concentrer te recentrer laisser tomber le reste même si te dire tant pis et t’y mettre avancer y rester y revenir rien que là juste là pas ailleurs juste là plus douter plus penser juste là rien que là seulement là pas t’éparpiller te con cen trer

#27 | pas moi, mais mon double

Tu tires la langue. Tu sais que tu tires la langue. Tu fais toujours ça quand tu fais quelque chose qui demande de la concentration et de la minutie. Alors regarde-toi et arrête donc de tirer la langue !

Pas vraiment tirer la langue, juste « passer » la langue, comme disait ma grand-mère, qui avait la même habitude pour souligner, inconsciemment, les moments de grande concentration

#26 | choses nettes, choses floues

Dehors. Temps froid et sec, lumière sur les montagnes, on y voit vraiment loin, détails dans les sapins, reliefs soulignés d’ombre. Pas un nuage en vue, juste un peu de buée quand on souffle sur ses doigts.
Dedans. Chaleur du poêle, fumée canalisée et pourtant on ne voit rien. Brouillard et brume mêlés, purée de pois londonienne, taches d’ombres et de lumières, à peine de couleurs, au point qu’il faudrait presque s’en remettre au toucher.
Hiver, saison maudite des porteurs de lunettes

Flou du dedans, flou du dehors, voulu ou pas, mauvais réglage ou maitrise parfaite de la profondeur de champs, noyade de poisson dans une conversation, tourner autour d’un sujet qu’on n’a pas creusé suffisamment, qu’on a oublié, manque de précision. Volontaire ou pas. Ne pas dire, ne pas tout dire, pour protéger, pour se protéger. Flou partout ?

#25 | frangment du corps

Hiver. Sac en papier froissé, morceaux de cagettes, branches. Allumette. Petite flamme, pas de quoi bruler les doigts, pas encore de quoi réchauffer. Attendre. Orange, rouge, presque blanc. Trop chaud, lourdeur, tiraillements, presque douleur, on détourne le visage. Mais dès qu’on s’éloigne, c’est comme une deuxième peau de froid qui se colle, alors y revenir, un peu. Mains en avant, aller chercher le chaud, les frotter l’une contre l’autre, dissiper la douleur, en faire de la chaleur

Les mains mises en avant, comme souvent chez moi, travail manuel aidant, sûrement, pour en apprécier la valeur, l’inestimable valeur, celles qui nous portent dès la naissance au début de nos vie, celles qui nous lavent et nous enfouissent à la fin de celle-ci, et entre temps, toujours là à rôder autour du corps, du bout des doigts ou à plein poing

#24 | salle d’attente

Attendre. Attendre que tu ne sois plus seul à trouver ça ridicule, à la trouver si ridicule et si fière d’être au centre. Attendre de savoir si c’est toi qui n’as pas d’humour ou si ce sont eux qui ont fait d’elle leur jouet. Attendre que les autres arrêtent de trouver ça drôle, si drôle ! Quoi faire de tes yeux ? Quoi faire de tes mains ? Quoi faire de ton sourire ? Quoi faire de tes oreilles ? Quoi faire de tes pensées ? Attendre la fin de la chanson. Attendre la fin du malaise

Ridicule ? pas ridicule ? Question de contexte, d’environnement, de la limite et de sa place. Gros crabe dans un ballet de crevettes, ou l’inverse, juste l’impression de ne pas avoir sa place dans ce groupe là…. Attendre que ça passe, en se demandant ce qui peut bien créer un tel fossé

#23 | exercice avec dénombrement

0,1,2,3,4. 5 chiffres pour arriver à 4. Commencer à compter, avec 0 ou 1 ? 0, chiffre ou pas chiffre ? Positif ou négatif ? 0 c’est rien. Quand tu es manchot, la main qui te manque, elle a 0 doigts. Alors si tu comptes sur tes doigts tu commences à 0. Et pour toi c’est tout, cette main sans doigts, c’est toute ta différence. Pour les gens que tu rencontres, tu es manchot en premier, avec 0 doigts. Les choses qu’on compte et les choses qui comptent, je t’aime moi non plus

Le zéro, la plus belle conquête de l’homme ? Une des plus belles…. Pouvoir compter jusqu’à l’infini sans jamais avoir à rajouter de nouveau symbole… comme écrire à l’infini sans jamais avoir à rajouter de nouvelles lettres dans notre alphabet. Pensée avec cette proposition pour ceux qui disent le monde avec des mathématiques, qui s’y sentent bien, s’y plaisent, y trouvent la liberté, et le plaisir que procure également cette façon là de dire le monde

#22 | on remet ça, mais avec un livre (à perdre)

Il y en a plusieurs. Emballés dans des papier brillants, avec des étoiles, des sapins ou des fleurs. Papier trop fin, percé aux coins. Avant même de déchirer, on sait ce que c’est. Manque d’idée, livre de cuisine, le dernier Goncourt ou celui que le père Noël a vraiment bien aimé et dont il entend imposer l’amour.
Alors le lendemain, il y aura lecture avide quels que soient les restes sur la table, mais plus souvent échanges voire oublis. Discrètement

Un livre pas officiellement perdu, mais déposé là, sous le sapin juste pour le cadeau, pour avoir quelque chose à mettre dans le papier décoré d’étoiles, choisi à cause du titre, du prix, du thème qui marche toujours quand on ne sait pas, qu’on ne cherche pas à être précis, qu’on ne s’implique pas suffisamment dans le choix pour savoir que, celui-là, on l’a déjà, déjà lu, ou que le sujet est bien trop vague, pour justifier le temps qu’on pourrait passer à le feuilleter. Alors il sera abandonné dans un coin, jamais ouvert, avant de finir dans une boite à livres. Au mieux

#21 | faire bouger les choses

C’est lui. Tu sais. Pas besoin de vérifier les oreilles, le poil, les pattes. C’est lui. Tranquille, serein, absorbé par une odeur. Immobile. Immobile toi aussi. Submergé, dépassé par la surprise, le bonheur et tout ce genre de mots pour dire l’effacement de tout le reste. Lui. Juste là. Alors, bêtement, discrètement penses-tu, la main à la poche, le téléphone pour la photo. Juste le bras, tout doucement. Le quitter des yeux pour cadrer. Trop tard. Tête haute, foulée souple. Parti

#20 | la scène est muette (mais vaut son prix)

C’était toujours moment du départ quand tout le monde est debout, que ceux qui partent ont déjà mis la veste et se tournent vers la porte. Elle venait avec un billet caché dans le creux de sa main, bien plié pour le faire tout petit, pour qu’il reste un peu de peau contre sa peau quand elle mettrait l’argent dans la main du petit, lui qui était devenu si grand. Avec l’émotion, ne rien attendre des mots. Alors ils se prenaient dans les bras et c’était mieux comme ça

#19 | Transaction

Un livreur, un client, des colis, une grosse camionnette, en haut du chemin de terre, en bas des escaliers.
Va neiger, ça va faire les routes comme des patinoires.
C’est l’hiver. Tu râleras moins quand tu seras sur les pistes.
J’en viens, sur les pistes y’a rien. Ça glisse moins que dans tes escaliers.
Tu vois, tu râles encore.
Pff ! J’ai tout, rien d’autre ?
C’est déjà pas mal, y’a plus de place dans ton camion tellement c’est bien rangé.
Pff !
Allez à demain
À demain

#18 | recopier c’est facile

Puis nous retrouvions la rue ensoleillée, l’odeur des pastèques, le grand marché où les chevaux portent des prénoms d’enfants, et ce désordre de maisons éparses entre deux fleuves, ce campement très ancien qui, aujourd’hui, s’appelle Belgrade. Le soir, pour préserver les moments de solitude qui sont si nécessaires, j’allais rôder de mon côté. Un cahier sous le bras, je passais l’eau et remontais l’avenue Nemanjina, noire et déserte, jusqu’au Mostar, un bistrot paisible, éclai

C’est un gros livre lourd, rassurant et intimidant à la fois, imposant par son nombre de pages à 4 chiffres. Pages fines, quelque chose de la bible, dans tous les sens du mot. Tout en haut de la pile des livres, il penche, pense à tomber. Le poser. L’ouvrir. Pas au hasard, 2 bouts de papiers en marques-page. Paragraphe, retour à la ligne, un espace avant le paragraphe suivant, l’enjamber, du nous au je, pour faire se rejoindre les deux morceaux du texte. Couper à 480. Pile

#17 | petits embellissements bienvenus

Le constat est universel, la planète se meurt. Il faut donc de s’y mettre, avec des propositions concrètes loin des grandes idées. Remettre l’arbre, au cœur de nos vies. Le comité Sylvestre décrète donc : De laisser pousser l’arbre là où il veut, détourner le chemin s’il pousse au milieu. De ne plus couper d’arbres et de n’utiliser comme bois que ceux qui tombent naturellement. D’instaurer une heure de contemplation du végétal par jour pour tous les humains…

Les autres, c’est pour la proposition, mais la dernière, pourquoi pas au moins 5 minutes?

#16 | il fait froid, couvrons-nous

Pour la coupe, c’est tous pareil : cylindres ou morceaux de cylindres, connectés avec d’autres morceaux de cylindres pour les branches. Textures et couleurs disent la famille et l’âge. Pour la coquetterie, les choix se portent sur les mousses, lichens, champignons et autres pendeloques végétales. Si on rajoute coupe et couleurs des feuilles, leur disposition sur les branches, on multiplie à l’infini les combinaisons, nuisettes et autres robes du soir, à porter même de jour

Pas si simple les vêtements des passants quand il n’y a pas de passants … Alors petite adaptation, changer observateur immobile et passants en observateur en mouvement et sujets immobiles. Les arbres
Pour tout savoir sur les modes vestimentaires des arbres travers le monde, voir les photos de Cedric Pollet

#15 | cut up moi ça

Bonjour Bonjour ! Bonjour-bonjour Booooonjour ! Bonjour !!! Bonjour ? Bonjour ???

Conversations quand on ne voit personne… Les bruits du travail, les machines, la musique, les podcasts, mais pas de conversation. Alors juste en souvenir, une collection d’intonations et la question qui va avec, comment écrire les intonations, le ton de la voix, l’humeur qui s’y cache ?

#14 | rien qu’une seconde

Le vent souffle. Mouvement invisible de l’air qu’on ne voit pas. Le vent c’est pour la peau. Pour la caresse ou la claque. Pour le froid surtout, rarement pour le chaud. Le vent c’est pour les yeux quand il bute sur du visible, quand il emmène des feuilles, les fait tourner, tanguer, rouler, osciller, hésiter, flirter, minauder, se poser puis repartir pour d’autres branches ou pour d’autres herbes. Pour se soustraire au vent, enfin ne plus bouger

Un peu à-côté de la proposition, mais c’est venu avec alors j’ai quand même gardé.
Le mouvement, les choses qu’on ne voit pas bouger mais qui bougent quand même, le vent qui ne déplace rien, ne courbe pas les herbes, celui qu’on perçoit autrement que par la vue, qu’on sent sur la peau, qui siffle dans les oreilles. Mouvement quand même

#13 | arrêter le monde

Les arrêter, eux qui montent et qui vont rejoindre ceux qui descendent, qui vont bientôt cacher les montagnes nous laisser juste supposer ou en est la limite pluie neige, nous cacher les dernières feuilles d’automne, ces nuages que pourtant tu aimes tant pour leur part de mystère, pour ce qu’ils gomment de l’arrière. Mais pas aujourd’hui, aujourd’hui tu voudrais les arrêter pour voir encore les arbres avant qu’ils ne soient nus. Oscillation de ce qu’on veut

L’idée derrière, notre inconstance, inconsistance, nos hésitations, oscillations, revirements… Plus moyen de retrouver le titre de ce livre de Ryoko Sekiguchi sur les saisons, notre impatience de la saison qui vient mélangée aux regrets de celle qui s’en va, les pommes acides et les prunes trop mûres… D’ou, oui, l’envie d’arrêter, faire une pause, profiter plus longtemps du moment où ça bascule, arrêter pendant que c’est sur la tranche pour profiter des deux en même temps… Gourmandise ?

#12 | la grisaille, les dessous

De la grisaille de silence, les images sans les mots, du brouhaha du trop de mots, des paroles sans leur sens, à tout ça redonner force, forme, contour et vie

À creuser cette histoire de gris, un peu léger comme notes, encore beaucoup à faire

#11 | c’est dimanche

Lire et écrire c’est depuis l’école primaire, CP pour cours préparatoire. Des fiches de lectures écrites exprès tous les jours, pas de livre, des histoires de la vie, les oiseaux du jardin, le gâteau qui sent bon, la visite chez le garagiste ou le nez qui coule en hiver. La vie. Quand Pépé Fernand est parti en retraite à la fin du cours préparatoire, on était tous prêts. À tout lire et à tout écrire

#10 | Pendant que

Pendant que je rabote les planches de la future étagère pour les livres, je pense à l’arbre dont on a fait ces planches, ses veines, son grain, sa texture. Pendant que je rabote les planches de la future étagère pour les livres, je pense au papier, pâte feuilles puis pages, dont on a fait ces livres, aux fibres du papier et aux fibres des planches. Souvenirs d’arbres

Encore des histoires de bois, d’arbres, de papier, décidément, quelque chose construire avec toutes ces planches

#09 | ne pas s’attarder sur

Ne pas s’attarder sur les feuilles qui jaunissent, qui brunissent, qui meurent et qui tombent, ne garder que leurs couleurs. Ne pas s’attarder sur le jour qui se termine, se fini, qui tombe, ne garder que le coucher du soleil. Ne pas s’attarder sur la pluie, sur l’humidité, sur les nuages qui défilent, ne garder que les éclaircies

Encore des arbres, comme hier, de l’automne, des couleurs, du bois qui travaille de l’intérieur, qui raisonne et résonne avec les cadres en noyer d’une expo en cours, et de plus en plus s’impose l’idée de faire le tour de l’arbre.

#08 | les noms c’est du propre

Quercus Corylus Betula Castanea Fraxinus Malus Juglans Tilia Acer Prunus Robinia Fagus Ficus Pyrus Carpinus Vitis Abies

Et avec ces noms d’arbres, les mots de ceux du Zoom qui parlent de personnages quand il s’agit de noms, comment recoller tout ça , en faire un tout, cohérent, pas trop anthropo-quelque chose ? Pas enfantin ni facile…
Quelqu’un ici pour se souvenir de Pistil, la « revue des jeunes et de la nature », avec sa mascotte Oreste, arbre avec yeux, bouche, semblant de nez et même sourcils, sans oublier les feuilles pour les doigts ?
Notes pour plus tard donc, pour tenter une tentative de boucler la boucle : un livre en pulpe d’arbres qui parlerait des arbres ?

#07| Chaque visage un trait

Sur la pierre, sous les arbres, un visage vert, mousses hirsute pour les cheveux et tombantes pour la barbe | Visage pali par la neige de la nuit, cheveux en sapins, œil en bosquet, menton en sommet et pommette en arête | Une île pour l’œil droit, une autre île pour l’œil gauche, un chenal pour le nez et la mer pour la bouche | Une planche verticale avec un cercle à tonneau de chaque côté, des cheveux en feuillage de vigne installée sur une treille, le nouveau voisin

#05 | ciel du lundi

Ciel de moral morose.
Bouché, gris, lourd, sombre, un couvercle sur une marmite de soupe froide

#04 | Phrase de réveil

Elles se déplacent tranquillement, nuances, dégradés du violet au sombres, du vert au sombre, du vif au pâle, aucun bruit, juste des vagues de lumières qui tournent, se courbent, s’arrondissent et disparaissent pour laisser la place à la suivante et à celle d’après qui va monter, descendre, traverser ton cadre dans un sens ou un autre, revenir en arrière. S’estomper. Disparaître. Elles sont tes aurores boréales personnelles

#03 | il aurait fallu

Il t’échappe une fois de plus, le nom du personnage. Pourtant tu as le titre du livre, son auteur, tu sais que tu l’as lu il n’y a pas si longtemps, un livre de poche, tu vois la couverture, l’image. Mais tu ne le retrouves plus. Tu l’as prêté ? Mal rangé ? Il aurait fallu noter à qui tu prêtes tes livres, il aurait fallu prendre le temps de les ranger, de chercher celui-là, de retrouver le nom de ce personnage. C’est quand même lui le personnage principal…

#02 | Si loin si loin

Les feuilles de chêne ont un côté qui accepte l’eau, qui la laisse s’étendre sur toute sa surface, la recouvrir de brillant. L’autre côté s’obstine au mat. Les gouttes y restent gouttes, elles n’entreront jamais. Hydrophobe, imperméable. Il y a un autre mot pour ça, un mot qui ne te revient pas, que tu ne retrouves pas. Qui est portant là puisque tu t’en es déjà servi de ce mot. Tu le connais tu sais qu’il existe. Et il reste caché et toi tu cherches et pas moyen. Et tu ne veux pas de la mémoire qui part, pas l’oubli qui efface. Pas l’oubli, pas lui, pas déjà ….

#01 | De l’imprévu

La chaleur est revenue. Ciel bleu, le peu de neige tombé fond. Dans la combe en face, c’est sombre du côté exposé à l’ouest, sombre du côté exposé à l’est, encore clair dans le creux resté bien calé au nord. La neige comme un ruisseau qui dévalerait jusqu’en bas. Un ruisseau immobile. Ce motif la, à cet endroit et en cette saison, encore jamais vu. Les arbres encore verts sur le versant d’en face, par plaques. L’automne n’avait pas prévu ça. Un imprévu à prévoir pour les années qui viennent ?

A propos de Juliette Derimay

Juliette Derimay, lit avidement et écrit timidement, tout au bout d’un petit chemin dans la montagne en Savoie. Travaille dans un labo photo de tirages d’art. Construit doucement des liens entre les images des autres et ses propres textes. Entre autres. À retrouver sur son site les enlivreurs.

33 commentaires à propos de “carnets individuels | Juliette Derimay”

  1. C’est à la fois inquiétant et à la fois cela donne envie de partir tout de suite randonner en Savoie, si c’est là.

  2. Juliette, plaisir d’aimer le 23, plaisir d’aimer le 13, plaisir d’être en accord total avec le mode d’emploi (parce que moi itou… sauf les italiques, n’y pense pas toujours mais laisse un blanc)

    • Les italiques, c’est souvenir de codicilles qui apportaient au textes une épaisseur supplémentaire, un plus d’humanité, des morceaux d’autrice et d’auteur, comme les épices dans les plats

    • Quand on dit hésitations, ça a toujours petit côté négatif pour moi, une odeur proche de l’exaspération du « faudrait quand même savoir ce que tu veux à la fin ! »

  3. J’ai été secouée par les carambolages dans toutes ces vies humaines et animales, dans la #30 de la compile du soir.

  4. sois sage…. une des plus belle f-phrase que je connaisse, mais me la suis tellement incorporée, me la répète si souvent même pour des bobos que sachant bien que c’est un emprunt je n’y ai pas pensé comme une réminiscence

    • Démasquée 😉
      Les images c’est pour faire joli et attirer le lecteur… Parfois aussi un peu en rapport avec le texte, mais pas toujours, c’est vrai.
      Mais que tu aies été attiré par les textes ou les images, merci de ton passage Piero !

  5. Merci pour les sens Juliette qui feront sens avec ou sans dérèglement Et marcher encore oui loin ou proche … et composer avec le temps