Carnet individuel – Line

38/ vendredi – Rêves où l’eau monte : impossible de contextualiser les moments où ils arrivent – généralement pas de peur d’être engloutie – rêves plutôt sereins – souvent accordés avec rêves de maisons transparentes, donnant sur la dite eau, maisons qui s’allongent, s’étirent et dont les pièces se remplacent – réveils calmes et apaisés

37/ jeudi –

36 / mercredi –

35/ mardi- la phrase la mienne même jamais retrouvée pourtant édulcorée fantasmée – juste ce qui revient de bleu, de chair, d’une impression d’être déjà vieux – rien ne reste d’autre que l’impression de l’homme aussi – la phrase comme lui, juste la trace de quelque chose de très beau mais perdu pour la vie

34/ lundi –

33/ dimanche-

32/ samedi- La trace des voix nulle part, de leurs pas sur les remparts – ils penchent – la tête pense en marchant, quelle est la trace, la trace de l’alcool partout dans l’air, l’odeur de la perte en poudrière. Il, sa tête a explosé, quelque part en mai dernier, les autres, on ne peut pas les datés – elle a balayé elle, la poussière devant la porte du pays, arrivée ici – pas chez lui non plus, le moteur fiché dans le béton, et pour elle, à jamais, enjamber le balcon, retrouver la douceur des cachets écrasés –

31/ vendredi-

30/ jeudi –

28/ mercredi – J’aurais mieux fait de ne pas dire j’y vais alors que déjà délestée d’une partie du problème – parce qu’il a dit ne t’inquiète pas, j’y vais moi – j’aurais pu pour une fois, qui sait, finir peut-être à l’heure et rentrer tranquillement chez moi, ne pas voir cette petite tête et toutes les emmerdes qu’elle vous fait, une fois que vous l’avez trop regardé, et surtout, surtout, ne pas me retrouver encore une fois, encore, confrontée à ça –

27/ mardi –

26/ lundi –

25/ dimanche – corps à cet instant – l’une sur l’autre, flotte, l’une au sol, l’autre en l’air, flotte – la banquette dure, dessous, un enchainement de bois et d’effort – le verre bleuté du genou qui s’habitue déjà

24/samedi-

23/ vendredi-

22/ jeudi- Il y a six ans, j’ai perdu involontairement Les Mots de Sartre dans un bus qui me ramenait de Grenoble jusqu’à Nice. Aujourd’hui, alors que je ne suis pas sortie pour perdre volontairement un livre, il me revient juste ça. J’ai laissé les mots de Sartre dans un bus qui me ramenait chez moi après une histoire muette avec un homme que j’aimais bien. Nous ne nous disions pas grand-chose. Je lui ai demandé si je pourrais revenir et il m’a dit oui. J’ai laissé le livre dans le bus et nous ne nous sommes plus jamais rien dit.

21/ mercredi – faire rien pour une fois laisser le monde tel qu’il est, tel qu’il doit être, arrêter de tenter de faire revenir les aiguilles en arrière, d’annuler les larmes des mères, de trouver des solutions, d’inventer des cratères et des révolutions

20/ mardi- les petits jouent toujours à la marchande, les miens ici,  plus si petits que ça, s’amusent à d’autres échanges – on peut le voir aux ballets fatigués de leurs absences et aux messages en pleurs des mères sur les répondeurs – les acheteurs s’avancent derrière le portail toujours laissé ouvert et en suivent un en silence – il y a des mots qui ne se disent pas dans les regards qui se croisent et l’un disparait alors que l’autre s’avance – il y a le bruit impossible du billet qui glisse, des mains dans des sacoches qui s’agitent – et soudain,  ça repart comme s est venu, l’air de rien

19/ lundi – Elle a pris la petite carte verte et j’ai rempli un papier qui lui disait de moi quelques informations. Je lui ai laissé me toucher à cet endroit et j’ai eu un arrêt maladie. Je lui ai donné de l’argent et elle m’a dit quelques mots gentils

18/ dimanche –

17/ samedi –

16/ vendredi –

15/ jeudi – Le bonnet c’est comme un merci et travailler c’est quand même un 1er novembre des collégiens tu fais quoi hein dans une classe qui a balancé ? dans deux minutes les mecs sont là je mets les tableaux et même pour eux, t’imagines. On va sortir par là, dans mon armoire dans les photos, j’ai mis dans le dossier les réponses aux questions qu’on a posé cette dame c’était la belle-mère, c’était émouvant résultats des courses les réquisitions de ma gueule c’était sept ans une semaine par mois quatre ferme en gros dans six mois c’est le mois de mai. Comment elle a réagi ? Dans le vague

14/ mercredi – la seconde de son visage défait attrapé par le col et conduit au véhicule, bras entravés, de la petite capuche noire de détresse et des trois silhouettes bleues, plastiques de muscles sans émotions.

13/ mardi – elle se gèle, robe fluide, couleur sable l’ hiver sous des voiliers, prend la pose enjambe rambarde et  regard, elle pose.

12/ lundi – qu’est ce qui circule dessous les réseaux cachés là sous la main qui appuie un peu le geste, serre le bras, sous la joue qui se colle, affectueuse ? – la grisaille froide des semblants, des assiettes qui explosent dans un coin de sa tête à elle

11/ dimanche – okilélé premier livre souvenir d’enfance premier souvenir de livre pourtant oublié pourtant retrouvé tardivement dans un carton dans un fouillis pour partance ou retour qui sait vraiment, et soudain le livre, l’œil relis, les mains reprennent le chemin, on se souvient de nous, les petits agglutinés en grappe qui écoutent – plus tard chemin des lignes tracées bleues délavées stylo plume certainement écriture prolongement de la lecture d’adolescence en image aussi, tiens il y avait là un lien que l’on n’avait pas saisi ?  mais avant, bien avant qu’y avait-il eu, avant … 

10/ samedi – Pendant que le corps à l’intérieur se courbe pour chercher la chaleur, se contracte, s’emmitoufle, les pas, là dehors se déroulent, foulée heureuse de la nuit à moins quinze degrés

9/ vendredi – le corps fait oubli. Ne pas s’attarder sur / ce qu’il faut faire/ ce qu’il ne faut pas faire / sur ce qu’elle te dira certainement demain en rêve, pleurante réclamant le fils / la crampe qui pointe / l’ami qui râle/ le souffle qui coupe/ le dénivelé / les mails mal rédigés et ce qu’ils vont certainement entraîner/ les solutions qui n’existent pas / le froid / le poids / le pied qui cogne / le genou qui vrille dans la descente / l’échelle qui glisse /  sur ce qui est oublié / sur ce qui revient sans que tu l’ai convoqué /  sur la vie là-bas, qui t’attendras toujours quand tu redescendra

8/ jeudi – P. Albano Garibaldi Jean Jaurès Yasmine Ali Thabet Georges Faydeau Jean Louis David Tommy Affligé Nina Rose Carla B. Carlo Berlini General Thiers Pasteur Olivier Roy Roger Watters 

7/ mercredi – Confondu juste en levant avec l’amie redoutée partie oubliée cheveux court et lunettes noires c’est tout pour le commun car l’âge n’est pas le même visage barré d’un trait la boucle d’oreille argent à gauche | scintille en tournant les bretelles fluo sur le pull marron petit creux sous le nez celui qu’on remarque si bien chez les bébés mais là c’est une femme âgée la mèche de cheveux noir et le cil qui se rejoignent au coin de l’œil maquillé aussi ligne ininterrompue de noir | l’enfant du soir comme celui du matin grandes lunettes sur une tête trop petite bouche d’appréhension incomprise empressement réjouit toujours malgré tout 

6/ mardi – Personne d’autre que moi n’aurait remarqué la précision des mots qui se dessinent, suivent la courbe du petit chef d’œuvre désespéré, griffonné comme ça au stylo bille, sur de minuscules papiers repliés.

5/ lundi –

4/ dimanche –

3/ samedi – Il aurait fallu lui dire, que je lui dise, qu’il était tellement beau, beau à en chialer, mais les mots sont juste restés – le mouvement du tramway la valse des entrées – et moi avec cette idée – un souffle dans la nuque une main le long de la barbe drue et un peu grise déjà, ce que ça lui aurait fait de recevoir ça – lui, une fois parti. Il aurait fallu lui dire …

2/ vendredi – La rue telle qu’elle était vraiment, sombre certainement, et quelle heure était-il aussi alors que nous rentrions ? ou l’instant juste avant comme chercher à tâtons, les doigts courant, s’arrêtant, le long des visages que l’on a oublié – humidifier la langue, là pour vérifier sans le vouloir si le goût désagréable de l’alcool au ginseng y est toujours resté, plus de dix ans après

1/ jeudi –

A propos de Line

De métier éducatrice auprès d'adolescents en difficulté. Depuis un an animatrice en atelier d'écriture ( DU animateur en atelier d'écriture Université AIx-Marseille 2019-2020) et porosité entre ces deux espaces là qui se mélangent quelque fois, parfois plus que je ne le crois.

4 commentaires à propos de “Carnet individuel – Line”

  1. émotion à découvrir le journal. « la seconde de son visage défait… le petit chef d’œuvre désespéré… les Mots dans le bus… » Merci.

  2. Merci Perle, James et Nathalie pour votre passage ici, touchée de vos mots et de découvrir aussi de mon côté ce que la lecture du carnet des autres change à l’expérience !