Carnets individuels | Éric Legendre

01
Pression artérielle / oxygène sanguin / pesée; de retour dans la salle d’attente, l’imprévu : je m’évanouis – 40 secondes ? J’ouvre les yeux / reprends conscience; à l’intérieur de mon masque, je saigne abondamment du nez [ou de la bouche]; dans ma chute, j’ai heurté un objet; accroupi / tête vers le sol / vue partiellement bloquée, je ne vois que des pieds et des mains et des voix : je décline sans erreur le jour, la date et le lieu où je me trouve.

02
Aucun souvenir de la première pleine lune observée, mais je me souviens d’avoir visionné le film « Dersou Ouzala » à la télévision, ou était-ce en salle ? À sa sortie ? Je ne sais plus. Avec mon grand frère (mon parrain) qui m’initiait alors au cinéma. J’avais cinq ou six ans. Et du retour en autobus / le passage sur le pont / la marche jusqu’à la maison. [voir aussi Emmanuelle Loyer, L’impitoyable aujourd’hui + Daniel Fabre & Jean Jamin].

03
Il aurait fallu qu’on se parle davantage pour mieux fixer les sensations. Aujourd’hui, 11/11/22, se souvenir à distance. Sa face est dans la tristesse / la tristesse est dedans / dedans, dedans ; dedans le désespoir / et le désespoir est dans son élément [— À distance, Michaux].

04
l’écriture ou l’action

05
Des malaises / des ennuis / abstraits de leur sujet / comme de leur entourage / passent en moi / en nuages de sensations / en passages qui se répètent [— Le rideau des rêves, Michaux]

06
Dormi plus tard que d’habitude. Le froid matinal des derniers jours fatigue toujours en début de saison. Sous les couvertures, je prolonge presqu’immédiatement les informations et réflexions reçues la veille. Pour changer un peu, je reprends ma lecture d’Ernesto De Martino, mais je ne m’en sors pas, il écrit sur la fin du monde : « Le monde perd de sa normalité en perdant son historicité, en sortant du chemin qui conduit du privé au public; car le privé, l’intime, le personnel prend un sens physique lorsqu’il doit s’ouvrir au public… [p. 88] ». Confirmation que le tremblement ressenti hier soir au couché était une secousse sismique.

07
visage conventionnel sévère blafard puis couvert | visage non pas mutilé érodé plat énigmatique mais méticuleusement pourvu d’un nez d’une bouche et de deux yeux rêveurs semblables à ceux d’un mannequin dans une vitrine de mode | visage rose de bébé

La première neige de la saison sur ma ville ramène aussi les visages, de celles et ceux qui se trouvent désormais dans un univers parallèle (à la Pierre Bayard).

Anne Marie Pierre Mercure Claude Saint-Christophe Gérald Godin Roger Gilbert-Lecomte Allen Ginsberg

A propos de Éric Legendre

Archiviste indépendant, travailleur culturel, bibliotechnicien, documentaliste, recherchiste, auteur, administrateur, gestionnaire... (et quoi encore ?). Québécois francophone vivant à Montréal (Québec).

9 commentaires à propos de “Carnets individuels | Éric Legendre”

    • Ce visage, au centre, en italique, provient du « Jardins des plantes » de Claude Simon. Merci de votre commentaire. Je suis honoré de votre présence.

  1. la neige aime la photographie (ou l’image)(ou l’inverse) enfin tout ça se cache (le lien sous votre « fin du monde » (ehess j’ai l’impression) ne fonctionne pas…) Mais merci

    • Merci Danièle de votre visite ici. Je vais reprendre le carnet et le terminerai. C’est une gageure faite avec moi-même. Des événements dont j’ai encore des difficultés à consigner les échos dans un carnet (même) intime m’ont éloigné de cette magnifique communauté écrivante. À bientôt.