#L4 | Celles qui me poussent à faire un livre

L’air grave de celle qui voulait être litote.

De…

La petite princesse (Frances Hodge Burnett) : pour la dernière promenade dans Londres, l’idée qu’une fille puisse être princesse dans une mansarde, le prénom Ermengarde. Les vies inventées à la fenêtre, c’est un peu ça, inventer des personnages.

Little Women (Louisa May Alcott) : la somme de toutes ces petites choses qui ne semblent pas avoir d’importance (savoir qu’elles en ont). Jo, c’est moi.

And then there where none (Agatha Christie) : le poids d’une comptine qui détruit des êtres, l’isolement, l’humanité poussée dans ses retranchements, à bout d’elle-même.

La mare au diable (George Sand) : les histoires des gens que l’on ne regarde pas, le charme des descriptions de la forêt. Le rapport à la nature. Tellement vrai. Être complètement dedans.

Enfance (Nathalie Sarraute) : l’enfance retrouvée, ce passage précis où le soleil glisse sur le verre d’un flacon collectionné avec amour, croire être dans le livre, avec force, la puissance de l’évocation.

Orgueil et Préjugés (Jane Austen) : l’humour génial dans la critique de la gentry, les dialogues magnifiques. Le mariage c’est (avant tout) une histoire d’argent et de classes sociales. Tranchante est l’assurance de Lizzie. On ne croise pas des héroïnes comme ça tous les quatre matins.

Rebecca (Daphné du Maurier) : lu après le film, aussi la voix de George Sanders me rendait sympathique le cousin préféré de Rebecca. Convoquer les images du film, et quand il n’y en avait pas, la possibilité de faire son cinéma.

Jane Eyre (Charlotte Brontë) : pour l’héroïne qui tient sa morale jusqu’au bout. Pour ces femmes-filles au second plan dont on a envie de poursuivre les histoires (Bertha Antoinetta, Adèle et même la Fairfax). Pour les apparitions surnaturelles, les feux qui enflamment bien plus que les murs de Thornfield, les errances, l’idée de retrouvailles malgré tout.

Tobie des Marais (Sylvie Germain) : les mots de terre et d’eau, les histoires mêlées dans lesquelles il est facile de s’y glisser, dans les marais, une petite place à soi.

Les Hauts de Hurlevent (Emily Brontë) : pour la violence, la cruauté les histoires de familles qui se déchirent sur plusieurs générations, pour l’absence de concession et pour les moors-personnages. Pour l’idée qu’Emily écrit ça cloitrée à Haworth, à vingt-neuf ans. L’absolu.

Dans la main du diable (Anne-Marie Garat) : générosité des mots et des êtres, l’enquête qui voyage, les détails, tout un monde recomposé qui bascule.

Les Vagues (Virginia Woolf) : pour les remous des êtres, des pensées, des éléments qui nous conduisent à leur immortalité papier, tiens d’ailleurs il y a aussi Orlando, être défiant la binarité et les siècles, magnifique détournement d’une biographie et puis tant qu’on y est, La Promenade au phare, naturellement cette nuit magique et puis ce bateau qui fait se croiser les regards, vision de Lily, fallait y songer, mettre en mots.

Les Guérillères (Monique Wittig) : parce que ça souffle au visage, ça prend au corps. Parce que écrire, penser, vivre, tout ça est un peu mélangé. Pour l’amour des femmes. Tout est renversement.

A propos de Alice Diaz

Enfant, veut être litote. Adolescente, passe beaucoup de temps derrière les écrans à créer des mondes et des personnages. Participe à des ateliers d'écriture. Expérimente la photographie. Fière membre du Castor Magazine. Educatrice spécialisée en devenir. Tient un blog où elle cherche à faire signe.

7 commentaires à propos de “#L4 | Celles qui me poussent à faire un livre”

  1. ce qui pose (peut-être) question, c’est la disproportion des hommes/femmes citées et des femmes/hommes auteur.es (l’ordre c’est important, ou pas ?) – en général ici en atelier auteures deux auteurs un) – j’ai regardé après avoir lu ton parti-pris (ton genre-pris plutôt) c’est pire encore (quatre pour cinq,ou neuf pour dix) les femmes écriraient-elles moins que les hommes ? les publierait-on moins car les éditeurs sont plus nombreux que les éditrices ? etc. des abysses (ou des horizons ?) (ou des ciels ?) s’ouvrent… (intersectionnelles, peut-être, mais s’ouvrent c’est certain) et donc merci de l’option…

    • Suis pour les questions, en quantité, tout le temps, avec tout le monde, alors contente si une proposition interroge un peu (et aussi défendre les ouvertures, aussi infimes soient-elles me semble important) merci Piero !

  2. Merci, Alice-Jo, pour le renversement, elle fallait le faire (tiens aujourd’hui, elle pleut.) Là, je ris, mais vraiment, merci. Merci pour Virginia, pour Anne-Marie Garat, Sylvie Germain, pour les autres. Pour toutes ces auteures, écrivaines (j’aime bien écrivaine depuis que j’ai entendu l’argument : « écrivaine », non c’est pas joli, « ça fait vaine », alors que le « vain » d’écrivain… devaient avoir les oreilles bouchées.)
    Agathe-Amy (enceinte d’une des 4 filles – laquelle ?- ma mère lisait Louise May Alcott.)
    PS1 : Toujours à propos de Jo / Amy, est-ce que vous dites « Fratrie » j’ai découvert le mot « sororie » il y a quelques semaines, je n’en pouvais plus d’écrire fratrie.
    PS2 : A tou.te.s avec adelphité (c’est ma fille Louise qui m’a appris ce mot en mars 2020)

    • From : Alice-Jo
      To : Agathe-Amy

      Touchée par votre commentaire ! Effectivement, y a des bouchons d’oreilles par intermittences… Je suis friande du terme « sororité », parce que les sororités nord-américaines nous faisaient fantasmer ma sœur et moi quand nous étions plus jeunes, aujourd’hui plus pour le côté militant. Utilise beaucoup « adelphe », terme répandu chez…mes adelphes. Merci de votre passage par ici.

  3. ça me donne furieusement envie de découvrir Les Guérillères…
    et bien sûr que j’adhère ton parti pris d’exploration du côté du féminin…
    toujours cette disproportion quoi qu’on fasse comme le souligne Piero… mais est ce si important au fond ? l’essentiel est bien que « nous » écrivions et « nous » laissons autant de traces dans le corps de nos lecteurs…