#enfances #02 | dans la solitude du grenier

Le front contre le mur tiédi par le soleil qui vient de la fenêtre, tourner la tête, appuyer la joue sur le papier peint, le contact du léger relief de la bande entourant le porte, entendre les voix qui montent du jardin, les petits qui l’appellent, le jumeau | le cousin | qui dit que non, une voix d’homme qui gronde avec un éclat de sourire et affirme que, oui, elle peut jouer un chevalier, le grommellement qui accepte, une voix de femme, la tante ou la mère, depuis la terrasse « laissez là, elle boude », un silence, des rires du jeu qui a repris, les voix calmes des adultes, la colère. Bien… bouder et s’en moquer. Regarder le vieil escalier qui monte au fond de la salle… Regarder dehors et les voir tous occupés dans la lumière. Grimper en faisant attention, tendre le bras droit, appuyer la main à plat contre la planche de bois, la trappe se soulève, monter un échelon ou une marche de plus pour la rabattre, grimper les dernières marches presque à quatre pattes, se redresser, bien vérifier que la trappe reste ouverte, dépasser les deux malles qui contiennent des robes, brimborions et fanfreluches d’avant toutes les naissances, restes d’ancêtres des anciens propriétaires | les deux femmes les ont étalés, proposés pour s’amuser et ils en ont perdu tout attrait, en outre sont bien trop grands ou abîmés | faire glisser le couvercle mal fixé d’une caisse, farfouiller dans le mélange de jouets cassés et de petites faïences, sortir une vierge en médaillon serti de perles de métal, la poser contre la paroi de la caisse sous un pantin de bois installé à califourchon, sourire de contentement, négliger des roues de vélos et se pencher par dessus un coffre fermé à clé pour découvrir, derrière, des piles de journaux et livres jaunis. Le ventre sur le coffre, remonter de quoi faire trois petites piles. Assise sur le plancher, les jambes pliées pour éviter sa rugosité, faire tomber et ouvrir ce que la main trouve, un livre d’histoire de 10ème, des romans photos | feuilleter très vite, trouver les photos pire que laides et ne pas comprendre comment y prendre plaisir | un roman dont la couverture souple est en partie déchirée | reste la partie inférieure, une bande beige, une sorte de feston brun, des feuillages dessiné et le bas d’une jupe rouge | sur la page de garde un titre « Brigitte… »… il s’agit d’un livre d’une série conseillée par une tante, reposer..,. un numéro de Modes et Travaux.. le renvoyer derrière le coffre, dépitée… cela ne saurait faire rêver autant que les albums reliés en rouge des Journaux des Demoiselles rangés dans le placard dont la porte, tapissée du même papier rayé gris sur gris que les murs, se veut invisible dans le couloir de l’appartement des grands parents, et les merveilleuses planches de robes à tournures, de décolletés profonds avec des fleurs et des drapés, de manteaux/capes à glands pour les visites de l’après-midi, de ridicules tenues pour enfants, de petits chapeaux très décorés, merveilles dont malheureusement l’accès est interdit sans l’aide d’un adulte, la petite clé de fer étant rangée « pour éviter qu’on se blesse en marchant vite » dans une petite boite posée sur une étagère au dessus du téléphone, qui était bien trop haute lors du dernier et ancien séjour …. sauf quand par chance ou négligence peut-être volontaire, elle a été oubliée dans la serrure… alors, le cœur battant, la tourner, faire un pas en arrière en tirant le panneau/porte qui ne demande que cela et ne se plaint même pas.

A propos de Brigitte Célérier

une des légendes du blog au quotidien, nous sommes très honorés de sa présence ici – à suivre notamment, dans sa ville d'Avignon, au moment du festival... voir son blog, s'abonner, commenter : Paumée.

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