Jumelage sous fenêtres d’un Il en flot et d’une Elle en fragments

Il en flot pointe d’un œil la poignée se précipite pour l’ouvrir  Fenêtre-obstacle fermée à double-tour la clé se trouve ailleurs sur un trousseau qui ne lui appartient pas il ne le pensera ni ne le saura jamais   Une fenêtre au Nord sur cour elle en fragments se lie à la grisaille d’un hiver de banlieue parisienne elle est en haut sa mère est en bas et le restera    Des gouttes de pluie toquent aux carreaux    Dehors    Il en flot ne saisit ni le dehors ni le dedans    Pourquoi ces coups     Sans attendre une réponse il cogne là où les gouttes toquent les carreaux    La vitre résiste il renonce et se porte ailleurs    Seuls les rayons de lumière que filtrent les vitres la caressent jouent avec ses doigts son visage et sa peau    Il en flot cherche un éclat d’une autre chose un Doudou peut-être encore il est puni le doudou est parti loin de lui depuis longtemps   Il cligne des yeux d’autres espaces défilent à l’ombre de ses paupières loin derrière en fenêtres-frontière entre lui et les autres en autant de diversions entre ses dedans et ces dehors qu’il ne saisit pas   Une butée à ses élans   Une fenêtre au Sud sur rue au cadre couleur vert foncé seule parce qu’ils sont partis dehors à vivre l’extérieur elle en fragments patiente avec ses crayons et ses gommes vert et rose    Aux premiers rideaux le doute s’immisce une seconde au premier verrou à la première clé il en flot cherche puis se déplace se déporte comme les barreaux de sa maison à ceux de sa pension à ceux de sa prison il s’agrippe à d’autres poignées de fenêtres-de-villes-de-rues-de-maisons-de-chambres au rythme de leur fermeture    Là pas de fenêtre un néon de salle de bains et la terreur de l’eau de toute cette eau dans la baignoire elle en fragments fixe le néon    Un déroulé de vie de seconde en seconde ou plutôt instant après instant Fenêtre-grande-ouvertes il en flot ne comprend pas    Son expérience de l’ouverture puis de l’entrebâillement s’écourte puis s’arrête à l’âge de quatre ans quand les couleurs offertes s’entretissent à l’infini en un kaléidoscope à vertige   La campagne à la montagne un vert tendre transperce la fenêtre d’un minuscule chalet elle en fragments y respire un parfum de meringue de sucre et de vanille du matin au soir quelle que soit la saison sous la fenêtre-source de douceurs    Il en flot se transporte d’un endroit à un autre vite une idée vite une autre vite une échappée il y court il y saute à pieds joints il saute au propre comme au figuré    Presque la montagne encore sous la rangée de fenêtres à barreaux des tables alignées au marron d’un social boueux et religieux elle en fragments découvre une autre solitude en mangeant une semoule aux raisins tremblotante avec une cuillère râpeuse de cet aluminium mat qui marque son enfance   Les verrous les clés les barreaux surgissent et stoppent il en flot    Volets fermés sur la fenêtre d’une remise d’hôtel transformée en chambre une mise en isolement au rouge grenat de Rougeole pas de chambre pour elle    Elle en fragments loge là quand elle n’est pas en pension    Il en flot poursuit sa quête et s’envahit d’un monde de reflets et d’ombres sur le sol sur les murs sur lui assignés en un rectangle en un carré en un losange en un flux d’instants de vie sans jour et sans nuit    De hautes fenêtres dominent les soixante lits qui s’alignent sous son regard, elle en fragments mémorise la domesticité liée à la surveillance des moindres faits et gestes sous l’ombre d’un dieu    Il en flot saute sur son lit contre les murs tente d’atteindre les plafonds rampe sur le sol à se fondre en lui-même     À nouveau une fenêtre sur cour aux volets entrefermés et à la poussière jaune sale elle en fragments grandit à l’ombre d’un cache-misère à deux côtés    Fenêtres-frontières lisses et transparentes puis opaques et grumeleuses puis en une bande horizontale à hauteur inatteignable d’à la pointe de ses pieds résistant à ses pulsions jusqu’à rétrécir il en flot et l’amalgamer à l’unique dedans    Une fenêtre de toit au-dessus d’une cellule d’études de huit mètres carrés elle en fragments y dessine son avenir sur le lit d’un ciel en mouvement   Fenêtres-camisole d’un temps et d’un espace combinés et contraints il en flot les fuit et se perd    Fenêtre-zébrures dans une rue nommée « de l’écorchade » à la lumière en angle de murs à l’architecture Design toute en chaos   De la fenêtre en triangle elle en fragments consomme la rupture et se met au monde   Alors un autre assemblage s’offre là où nulle fenêtre nul volet nul barreau nul verrou nulle clé nul passé nul présent ne sont à conquérir    Il en flot  y navigue à son gré  court saute plonge se colore    Seul là où le temps ne le perd plus là où les autres oublient qu’il ne grandit pas  ne vieillit pas   Elle en fragments rejoint les baies aux grandes ouvertures va et retourne se régénérer à la fenêtre-source sous le vert tendre à l’odeur meringuée    Il en flot  convoque son invisible sous les fenêtres-du-temps-chassé    Elle en fragments trouve les espaces où se mouvoir en liberté se saisit du temps pour ouvrir fermer entrouvrir entrebâiller et traquer le présent

2 commentaires à propos de “Jumelage sous fenêtres d’un Il en flot et d’une Elle en fragments”

  1. Merci beaucoup Marie-C pour votre lecture et votre appréciation de ce petit texte !