L #10 | Au feu les Dieux

Cette rive là, je ne la savais pas. Elle n’était pas. Elle n’était pas absente, ni présente en attente. Elle n’était pas, cette rive là, avant d’être. Je savais des rives, celles où l’on aborde, celles où l’on dérive, celles où l’on se saborde, celles où l’on déborde, où l’on chavire. Je savais aussi des rives de havres, des anses calmes, des rives apaisantes où le pire des vents mauvais ne frappe jamais parce que la montagne qui dévente épargne le rivage et en fait un lieu sûr, un port antique, un refuge. Là, à présent, cette rive là explore et explose tout. Le peu que je sais et tout ce que j’ignore. L’eau douce et le sel, le minéral et l’animal se mêlent en cette rive là. Les galets y chantent, une tortue s’y promène, une femme s’y baigne. Sur cette rive là, la tortue parle le langage des humains. Sur cette rive là, l’errance prend fin. Les croyances inutiles disparaissent sur cette rive là comme les brumes du matin s’effacent. Cette rive là laisse l’horizon prendre sa place à l’horizon de cette rive là. Rien ne manque sur cette rive là d’où nous pouvons chasser les Dieux, leurs scribes, leurs moines et leurs guerriers. De l’Olympe ou d’ailleurs, tous les Dieux sont des cons que nous n’aurions jamais dû inventer. Sans eux, cet imbécile d’Enée n’aurait pas abandonnée la Reine de Carthage et Elissa, Didon, Theiossô, qu’importe son nom, aurait pu vivre sa passion. L’amour d’une femme libre et courageuse mérite que l’on jette les Dieux aux flammes et avec eux tous les épisodes des douze saisons du soap opera de Virgile. Libres, courageux, possibles et beaux en cette rive là. Je sais désormais qu’elle est là, cette rive là.

Codicille Cette rive là n’est pas épuisable jusqu’à l’obsession et sa forte et belle fragilité impose de ne pas la déplier plus aux yeux de tous.

A propos de Ugo Pandolfi

Journalist and writer based in the island of Corsica (France) 42°45' N 9°27' E. Voir son blog : scriptor.

3 commentaires à propos de “L #10 | Au feu les Dieux”

  1. La rive en L sa récurrence.
    Les « cons dieux » à se voir ainsi insultés, vont ils y porter leur colère ? c’est un beau texte. Il rentre un peu tôt dans sa carapace, il pourrait chanter encore et encore … Merci Ugo

  2. J’aime beaucoup particulièrement tout ce qui est de cette rive là, les dieux oui chassons les et profitons de ce refuge que tu sais.