#L4 Mais c’est quoi, un livre

De mon livre de lecture du Cours Préparatoire, « Michel et ses bêtes », pour la sonorité, les frottements mouillés des lettres les unes collées aux autres formant les mots  « Ripp jappe de joie »

Du livre de recettes de la Cocotte-minute, dans lequel j’apprends que les mots donnent à manger

De Butor, Michel, l’enfermement au vous, cette prison de destinée me mettant en mouvement en même temps que la lecture et la jubilation du voyage où chaque pas est guidé fermement, et pourtant ?

De Faulkner, William, une rencontre traversée de tristesse et le désarroi de l’immense pauvreté

De Trassard, Jean-Loup, la remontée des sensations de l’enfance, d’une étape décisive dans la construction d’un moi sentant, ressentant, et pour son regard en mots, posés au ras du sol, à la syntaxe parfois bousculée et discontinue qui fait battre le cœur

De Irving, John, des thémes récurrents et l’ivresse de l’écrit d’invention, qui semble libérer une foule de personnages et rendre tout possible

De Bergounioux, Pierre, le basculement par les mots d’un état de l’enfance à un autre plus conscient de ce qu’est la perte 

De Camus, Albert, la grande sobriété de langue, cette manière de ne pas ressentir ou de mettre les affects à distance

De Gracq, Julien, la possibilité d’envisager une attente et de faire aimer ce vide, cette promenade en mots, errance à travers le vocabulaire, au cours d’aventures qui ne trouvent pas leur réalisation

De Sartre, Jean-Paul, la compréhension de ce que nos actes impliquent le reste du monde avec soi

De Gadda, Carlo-Emilio, que la langue de l’enfance peut servir à donner un tour savoureux à l’écrit

De Vian, Boris, la poésie d’un quotidien à l’imagination déroutante et drôlatique

De Sekiguchi, Ryoko, partir à la découverte des sensations venues d’une autre culture et la possibilité, là encore, d’évoquer l’absence, le rien, et poser des mots sur ce qui n’a pas de goût (pour nous Occidentaux)

De Hours, Madeleine, qu’un œil posé sur une toile peut en déceler les secrets (et une passion que j’aurais souhaité vivre)

De Arasse, Daniel, l’entrée par le détail dans l’histoire du tableau, une histoire qui s’écrit par le regard

De mes chères professeures de piano que les mots servent à s’approcher de la notation musicale, mais sans jamais en égaler la précision

A propos de Françoise Durif

Pousse son premier cri en 1959. Carrière stoppée net. Nourrit un ressentiment tenace vis-à-vis de la famille en général. A, malgré tout, connu quelques happy-hours. Et heureusement, il y a l'écriture !