#photofictions #09 | Indivision

C’est la première fois que je remets les pieds ici ; votre lettre a brassé pas mal de choses ; je pensais avoir tourné la page, enterré jusqu’au moindre souvenir ; sauf bien sûr ce dernier petit attachement terrien commun, indivision impossible à régulariser, piège gluant dont tu ne peux te dépêtrer…
Je la revois quand on a fait le choix de ce terrain, pointer les cartes au hasard, caresser la diagonale du vide ou les creux des grands axes, et rire de poser des fondations dans un bled avec Blaise en trait d’union .
On était complémentaires, elle a choisi ce rayon d’exil ; j’ai trouvé ce terrain en lisière des bois, . L’idée de la yourte ; je ne sais plus si l’un de nous d’eux l’a eue en premier, mais quelle symbiose: on a dessiné les plans, rassemblé le matériel, apporté correctifs et améliorations, cloué, emboîté, raboté, vissé poncé tout à quatre mains.
Et l’avenir qu’elle prédisait à cet insolite petit nid, notre maison aux quatre vents, une fenêtre vers chaque horizon, elle envisageait aussi bien des fusions exclusives avec la nature environnante que d’infinis partages collectifs.
C’était presque fini quand elle a voulu aller chercher branchages et mousses, au lieu de la toile de jute commandée pour améliorer l’isolation.
Petit signe de la main avant de disparaître dans les bois, moi je devais fixer des traverses : solidifier l’ensemble avant l’arrivée d’une perturbation qu’ils annonçaient sévère.
Attente, inquiétude, angoisse, désespoir
Vagues signes de vie à des centaines de kilomètres d’ici
Soulagé, plein d’espoir,
Puis lassé de ses énigmatiques et lointains « quand tu aimes… »
Empêcher le vent de balayer notre édifice commun avant d’essayer moi-même de le démolir; aux premières planches arrachées, m’effondrer.
J’ai perdu tout contact, je ne pensais pas que cette fichue cabane aurait ainsi résisté
Je ne sais pas ce que je fous là avec vous, je ne peux même pas vendre sans son accord
Alors imaginer quiconque se lancer dans une folle réhabilitation d’espoirs ruinés

Atlas des Régions Naturelles / 2020 / hiver / plein air / cercle / Vallage

Cirey-sur-Blaise

A propos de sophie grail

Après une grande vingtaine d’années en région lyonnaise, vis depuis bientôt une petite entre Léman, vallée verte et blanches montagnes... sans renier racines ardéchoises et tête en terres corses, balinaises ou cévenoles... dévoreuse ou passeuse de livres, clame haut et fort les mots des autres ( accompagne aussi depuis quinze ans les élèves de CM2 à jouer avec les leurs et en apprivoiser d’autres) sans jamais trop extérioriser les miens (sauf en labyrinthiques cérémonies secrètes). Alors sourire de me livrer en tiers-livre sans pseudo ni hétéronyme ... (Interviens discrètement sur Facebook via Sophie Sopibali)

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