# Voyage # 09 # pause vers le Danemark, suite

Qu’est-ce que je vous sers ? Oui, oui fait pas chaud. Ça fait des années que je tiens cette friterie… Vous savez je change l’huile tous les jours. Je tiens à la qualité. Les patates ? Toujours du même producteur. C’est pas loin d’ici. Et vous ? Vous venez de loin ? Cette nuit, il fait froid, on est que début avril. Oui. Vous avez vu des feux dans les champs ? Ce soir c’est pleine lune. Elle est belle. Toute rousse. Presque rouge. Très grosse cette nuit la lune, on dirait un soleil. Et des feux que vous avez vus, ce sont les cultivateurs qui font des brulis. C’est pour la terre. Enfin je saurai pas trop pourquoi, mais ça me rappelle un truc moche, un soir où justement ils faisaient brûler les restes de paille ou quelque chose comme ça. C’était il y a 3, 4 ans. Ça m’a marqué. J’étais ici, dans ma friterie. Au bout du village, il y a une autre friterie. C’est un cousin de ma femme qui la tient. On se connaît bien. Ses frites sont bonnes aussi, enfin correctes, mais c’est pas la question. Donc ce soir-là, comme tous les autres, j’avais fini d’éplucher avec ma femme, parce que je n’achète pas de frites congelées. Je les découpe moi-même. J’y tiens. Même avec un coupe-frites, c’est du travail. C’est parce qu’elles sont fraiches qu’elles sont bonnes. Ma femme était rentrée à la maison, je commençais les cuissons. Dans mes bacs l’huile bouillonnait, et soudain Max, mon neveu arrive affolé. Avant même de descendre de sa mobylette, il me crie qu’il y a le feu à la friterie de son père, il voudrait du secours. Vite. Je lui demande s’il a alerté les pompiers, s’il a trouvé l’extincteur dans la baraque. C’est obligatoire, vous comprenez. Et puis moi je ne peux pas laisser ma friterie, sans personne. C’est trop dangereux. Alors je téléphone à ma femme, lui demande de revenir. Elle râle un peu, à cause des enfants qu’elle doit faire garder par la voisine, mais comprend que je dois rejoindre son frère. Vite fait. Alors quand elle arrive je fonce au bout du village, et là je vois le plus grand, le plus beau feu de ma toute vie. Et Fred, à côté, effondré. Son extincteur dans les mains, vide, défait plus que paniqué. Je sais pas quoi faire. Mais faut bien reconnaître que c’est beau un camion qui crame. Je ne peux pas lui dire ça et puis ça chauffe sec. Tous ces litres d’huile, ça flambe bien. Y’a plus rien à faire. Il a sauvé sa peau. C’est déjà ca. Pour le camion et le matériel, les assurances marcheront peut-être, enfin oui, mais pourquoi je vous raconte tout ça. Ah oui vous parliez des feux dans les champs, alors j’ai repensé à cet incendie, à mon pauvre Fred. Quand les pompiers sont arrivés, c‘était trop tard pour sauver quoi que ce soit. Depuis il travaille à l’usine. Vous voulez autre chose? Elles sont bonnes mes frites hein ?

Tu es sûr que tu ne connais pas Julia ? Ça m’étonne. Quand même. Je sais, elle ne vient pas très souvent à ta friterie. Elle va plutôt au bistrot, mais tu as du la voir. Quand même. Elle se remarque, elle se marre tout le temps comme une baleine. Ça fait bouger ses cheveux rouges. Rouge bien mûre, je t’assure. Pour de vrai, elle porte une perruque. Et elle se balade toujours avec son chien, sans laisse. Un bâtard noir, tranquille, Zouk, il la suit partout. Oui s’il te plait un américain et une seule saucisse avec mes frites, s’il te plait, et toi Zazie tu veux quoi ? Un Fanta orange avec tes frites ? Oui parce que Julia, elle a gagné le concours dimanche. Ah tu savais pas, c’était à Boussu. Il y avait du monde, une ambiance sympa. C’était bien. Il pleuvait pas trop. Elle a battu son record. 21 pintes de bière en une heure. Après elle n’était pas très fraiche. Quand même. Les autres candidats non plus. Je te dis pas. Ses yeux partaient un peu. Elle fixait son clébard comme pour s’accrocher à une perche fixe. Mais elle est restée debout, enfin presque droite. Quand même, À un moment donné, elle avait une sacrée envie de pisser. Alors je l’ai accompagnée. Je ne voulais pas qu’elle tombe. Je te dis pas comme elle s’est accrochée à moi pour marcher. Oui c’était la seule femme du concours. Ça fait quand même quelque chose plus de 5 litres de bière dans la vessie. Tu imagines ? Tu connais ? Elle n’est pas vraiment alcoolique, Julia, elle aime bien la bière et les frites, c’est tout. Comme tout le monde ici. C’est normal. Elle était toute contente, quand même, parce qu’elle a gagné le premier prix. Un week-end à Bruxelles. Ça vaut le coût. Tout compris. Transport, hôtel, pension complète et visite touristique au programme. Elle était contente, elle ne connaît pas Bruxelles. Elle m’a demandé de garder son cleps pendant ce temps-là. J’ai hésité, mais il est propre et cool Zouk. Tu veux un autre soda Zazie ? Tu as soif ? Oui ma fille. Mike un autre, s’il te plait, oui un autre Fanta pour Zazie. À quel âge j’ai commencé la bière moi ? Oh je ne sais pas, 12 ans peut-être. Mais je n’en bois pas beaucoup, juste quelques pintes par jour. Je suis sérieuse, j’ai une fille. Ça va Zazie ? Tu as fini ? Alors on rentre maintenant ?

Je m’appelle Zazie, j’ai 7 ans, et avec Maman, j’aime bien venir ici à la friterie. J’adore les frites. Des fois je les trempe dans le Fanta. Les frites à la cantine de l’école sont moins bonnes. Même si je les trempe dans mon verre d’eau. Des fois même il n’y a pas de frites, seulement du chou-fleur ou des épinards. Beurk, beurk, beurk. C’est dégueu. Avec Aglaé, ma copine préférée, on met les légumes verts dans notre serviette en papier, en boulette, et après la cantine, on va les jeter aux toilettes. Sans rien dire. On doit finir nos assiettes, c’est Julia qui le dit. Julia c’est la dame de la cantine. Elle a des cheveux rouges. Elle est belle. Et elle est gentille parce qu’elle se moque pas d’Aglaé, qui ne doit pas manger de frites, seulement du riz et de la viande. Aglaé a un truc pas normal dans son ventre. Elle a pas le droit de manger des trucs comme les frites, les tartines de beurre ou le chocolat, sinon elle est malade, elle vomit. C’est embêtant. Et puis quand elle a très mal au ventre et elle doit prendre des médicaments qui sentent le vomi, elle dit. C’est pas drôle de pas manger de frites, d’avoir à la place du riz sans sauce, comme en Asie elle dit des fois, en me faisant un clin d’œil. Quand elle sera grande, si elle est encore malade, elle ira vivre en Chine, elle dit et elle m’invitera, elle dit. Mais j’ai demandé à Maman si il y a des frites en Chine parce que je n’aime pas beaucoup le riz tout sec, tous les jours, je préfère les frites avec de la mayonnaise. Et puis je suis belge, alors tout le monde sait que les frites, c’est important pour nous.

Quand je mange des frites je ne peux pas m’empêcher de penser à ma grand-mère. Elle était originaire des Ardennes, côté français. Un repas sans patate, chez elle, ce n’était pas possible. Enfant, elle me gardait le mercredi et rituellement c’était poulet grillé avec frites. De grosses frites, croustillantes à l’extérieur et molles à l’intérieur. Je les adorais. Avant le déjeuner, je regardais ma grand-mère les laver, les peler, les découper. Des gestes répétés si souvent. Et puis dans sa bassine, je la revois faire fondre le bloc de saindoux, la graisse de cheval puis verser l’huile. Les autres jours, elle faisait des pommes de terre à l’eau, de la purée, des croquettes avec ses restes, du gratin, des pommes de terre au four ou sautées (sans ail, surtout sans ail car dans sa région, on n’utilisait pas l’ail)… Et oui, puisque vous nous racontez l’histoire de la friterie de votre beau-frère, je peux bien vous raconter celle de ma grand-mère. Avez-vous connu la vôtre ? La mienne mettait tout son amour dans sa nourriture. C’était délicieux. Elle était affectueuse, cette brave femme. C’est elle qui m’a fait découvrir tout ce qu’on fait avec des patates. Mais comme tout le monde, ce sont les frites que je préfère. Et vous qui tenez une friterie, les patates vous intéressent j’imagine. Les variétés, les qualités et tout et tout. Moi je n’y connais rien, je suis très nul en cuisine. Mais pour revenir à ma grand-mère et ses patates, quand j’allais au marché avec elle, enfant, je la voyais les choisir une par une. Était-ce si important qu’elles soient biscornues ou de forme régulière, petites ou grosses ? C’est vrai qu’elles sont toutes différentes, c’est comme les gens. Et j’aime bien toucher leur peau toute fine. C’est d’une grande douceur. Avez-vous déjà pensé à la sensualité de la pomme de terre, vous ? Ma grand-mère sans doute pas, surtout pas quand elle discutait avec les maraichers. Vous savez, je crois qu’elle aurait aimé les cultiver si elle avait habité à la campagne. Moi ça m’ennuyait d’aller au marché avec elle. Et maintenant c’est moi qui vous ennuie avec ma grand-mère. Enfin je ne vous ai parlé que de ses frites. Et vous comment les préparez-vous?

Elles sont issues de l’agriculture locale, dites-vous ? Biologiques ? Non. Mais sans engrais ni traitement chimique? C’est de la bintje ? Évidemment vous pratiquez une double cuisson ? Ça m’intéresse, c’est tout. Oui elles sont bonnes, très bonnes même vos frites. Fraiches, pas congelées n’est-ce pas ? Ça se sent. Oui oui je suis français, ça s’entend ? Comme vos clients là. Votre  mayonnaise, elle est industrielle, elle ? Et votre vinaigre d’où vient-il ? Oui oui j’aime bien savoir ce que je mange. Non je ne suis pas cuisinier, mais…Mais je ne dois pas vous en dire plus, sinon ça influence toujours un peu, mais bon… Et vos saucisses, où les achetez-vous ? Toujours chez le même boucher ? Il les prépare lui-même ? Je comprends. Ça lui permet de vous faire des prix. C’est plus intéressant pour vous deux. Non, non je ne travaille pas aux Impôts, ni au Service sanitaire, rassurez-vous. D’ailleurs ces gens-là sont chez eux à cette heure-ci. Bonjour Madame, Bonjour Ma Puce, comment tu t’appelles ? Zazie ? C’est le prénom d’une héroïne de roman, tu sais ? Vous n’auriez pas une petite Stella ou une 1664 dans votre frigo pour faire passer, parce que les sodas, je n’aime pas trop. Je comprends. Vous n’avez pas la licence. Et puis je peux vous le dire au fond, j’étais critique culinaire et puis j’en ai eu assez de tous ces salamalecs, ces luttes intestines dans cette profession. Trop dur pour moi. Alors maintenant j’écris de petites rubriques dans un journal gratuit sur la vie pratique. La vie de tous les jours des gens normaux, pas des gastronomes qui dépensent au bas mot 100 euros pour le repas d’une personne. Mais en ce moment, je prépare, en plus, un guide sur les cuisines traditionnelles des Ardennes. Oui française et belge. Mais l’éditeur ne veut pas que je le dise, de crainte que je reçoive des pots de vin, enfin avantages ou des cadeaux pour accorder de bonnes notations. Oui votre cuisine est bien, je vais écrire un article positif sur votre friterie, oui rassurez-vous, et je ne vous demande rien. Tu as 7 ans Zazie ? Et tu aimes bien ces frites-là ? Tu les trouves les meilleures du monde ? Tu as raison. Je te promets je le répèterai à personne sinon il y aurait trop de clients et plus de frites pour toi. Tu ne me crois pas ? Tu as raison.

Moi je n’aime pas les frites. Moi je fouille les poubelles pour trouver mon bonheur, enfin c’est beaucoup dire mon bonheur, mais parfois je découvre des restes, de beaux morceaux qui me plaisent. Les gens gaspillent beaucoup. Ils veulent faire riches en achetant beaucoup trop, en mangeant trop, et au final ils jettent trop. Les vrais riches, eux, ils mangent modérément, et font attention à ce qu’ils consomment. Les riches sont maigres. C’est Julia qui dit ça. Mais à la friterie de Mike, il n’y a pas de vrais riches, il y a rien dans ses poubelles, à part des papiers gras et des cannettes vides. Rien d’intéressant, pas la moindre trace de saucisse ou de fricadelle. Trop bonnes, elles sont entièrement mangées. Ou au frigo, et là j’ai pas accès. Il est sympa Mike, parfois il me donne un morceau de viande, quand un client n’a pas fini son américain, qu’il n’y a pas de moutarde. Je n’aime pas la moutarde. Sinon quand c’est bon, je me lèche les babines. C’est normal je ne suis pas végétarien, mais carnivore, et l’ami de Julia et puis heureusement qu’elle m’a. Elle serait perdue sans moi. Surtout la nuit dans les rues, quand elle a fait le tour des bistrots. Parfois elle ne retrouve plus vraiment son chemin direct. Alors c’est moi qui la guide. Pourtant je ne suis pas un chien d’aveugle. Je n’ai pas été formé pour ça. Mais bon c’est la vie, c’est comme ça, je suis un animal domestique. Moi je suis un chien, je suis là pour aider, pour aimer, pour consoler.

C’est drôle de vous retrouver ici. C’est une surprise, je ne m’attendais pas à ça. Quand je vous ai arrêté tout à l’heure pour excès de vitesse, je ne pensais pas vous revoir, et encore moins à la friterie, parce que vous rouliez comme si vous étiez pressés. Quoique vous étiez peut-être pressé de manger, vous ou les jeunes avec vous. Et puis je n’ai pas compris pourquoi vous ne vous arrêtiez pas. Vous n’aviez pas saisi nos appels de phares, vous m’avez dit, mais maintenant on n’est plus au Commissariat, vous pouvez me dire la vérité, enfin si vous voulez. Vous savez il y a des choses qu’on dit entre quatre frites. Pas ailleurs. Par exemple, moi j’aimerais bien ne pas être un flic qui dresse des procès-verbaux sur les autoroutes, à des conducteurs mécontents. Je ne me prends pas pour un héros national. Je fais mon travail mais préfèrerais être quelqu’un de sympathique, un homme généreux, qui donne aux autres. J’aimerais être pompier, bosser dans l’humanitaire, ou quelque chose de ce genre. Non après mon service je n’ai plus le temps ni l’énergie d’aider au Restau du Cœur. Claqué, épuisé. Dites-moi vous, qui aime les flics, à part les autres flics et leur femme, et encore ? Tu peux, s’il te plait, me préparer trois barquettes, trois moyennes, pour les collègues au poste. Une avec ketchup, deux mayo et trois fricadelles, tu ajoutes trois Coca, s’il te plait. Je te paierai la prochaine fois. Elles sont toujours aussi bonnes tes frites Mike. Oui, je voudrais être un flic juste, juste faire payer les amendes en fonction de l’importance de l’infraction, du vrai danger et des revenus de chacun. Déjà ça serait mieux, vous ne croyez pas ? Vous faites quoi vous dans la vie ?

Ça fait plaisir de manger des frites. On n’en mange pas souvent. Jamais à la maison. Fait froid, c’est pas grave, on ne va pas rester longtemps ici. Demain matin, on sera au Danemark ce sera pire encore. On va à la mer, à Gilleleje. Ça me fait plaisir. Et là, la friterie, ça fait déjà vacances. Cette pause frites n’était pas prévue. Encore mieux. C’est long l’autoroute. Pénible la voiture. Ça endort. Quand on avait été à Londres, c’était en train. L’Eurostar, c’est plus rapide. Tu te souviens ? Et du « Fish and Chips » au bout de la rue ? Tu te rappelles des gens qui mangeaient là ? Ce mec avec une Doc rouge et une noire, et son immense cape ? Un véritable gothique. Il avait un tel accent qu’on comprenait un mot sur deux. Repasse-moi le sel s’il te plait. Merci. Ce mec, il avait des yeux incroyables, clairs comme ceux d’un sulky. Oh tiens, regarde, il est marrant ce chien. Là, regarde, vers la poubelle. Je ne l’avais pas remarqué. Il a l’air sympa. Ah il s’appelle Zouk ! Ça fait vraiment vacances de manger des frites ici. Ça fait ailleurs. Je me rappelle aussi à Londres, cette vieille toute maigre qui demandait à tout le monde quelques livres, ou de lui acheter à manger. Elle restait plantée juste devant la porte du restau. Elle y entrait pas. C’est dur ça. On lui avait donné de la monnaie à chaque fois. Tu crois qu’elle dormait dehors ? Délicieuses ces frites ! Un peu grasses mais onctueuses… Elles sont belges, c’est tout. Ta barquette est plus remplie que la mienne ! Ce n’est pas juste. Je t’en pique quelques unes pour équilibrer. Tu es certain que c’est la même taille ? J’ai un peu froid. Pas toi ? Ça va ? Et tu te rappelles aussi du type à côté du drugstore. Oui à Londres. Il dessinait sur les chewing-gums secs collés sur le trottoir. Des fleurs colorées. Lui il ne mangeait pas, il carburait à la bière. Il était géant. Impressionnant. Et la serveuse du restau, tu te souviens de la serveuse ? Très sympa, elle nous apportait toujours un supplément de frites, gratis, et jolie malgré une ridicule charlotte sur les cheveux. Les frites étaient moins bonnes qu’ici, mais leur poisson était bien, non ? Tu ne te rappelles pas ? J’aimerais bien retourner à Londres. C’était bien aussi comme vacances.

Dommage que vous n’ayez pas une petite bière. Ça aurait été bien. Les frites ça donne soif et puis avec le P.V. que j’ai eu tout à l’heure. Excès de vitesse.  Je roulais pas vite, j’étais à 82 kilomètres/ heure mais c’était limité à 50. Je n’avais pas vu le panneau. Il était planqué. Ils exagèrent. 50 kilomètres/heure. À cause des travaux. Oui j’ai payé. Pas le choix. Tiens bonjour le chien ! Tu t’appelles Zouk dit le Monsieur, moi c’est Perceval. Tiens prends un petit morceau de saucisse Zouk. Elle est bonne ? Meilleure que celles qu’on mange à Londres. Enfin tu ne sais pas toi. Régale toi. Et vos frites, elles sont extra. Quel est votre secret en Belgique pour avoir de telles frites? Nous, en France, elles n’ont jamais ce goût-là. À Londres non plus. Non là on va au Danemark, pas en Angleterre. On ne connaît pas, mais a priori je préfère, parce les douaniers anglais sont zélés, Très pointilleux. Ici il n’y a pas de douaniers ? La douane volante, dites-vous. Enfin je n’en ai rien vu sur l’autoroute. Seulement des flics qui mettent des PV. À la gare de Saint Pancras, les douaniers ne voulaient pas que je reparte avec mon Laguiole. Comme si j’étais un terroriste. Ils déliraient totalement. J’étais venu de Paris avec mon couteau sans aucun problème, et maintenant ils voulaient que je reprenne l’Eurostar sans. Vous vous rendez compte ? Ils voulaient me le garder. Oui j’y tiens, il est beau mon couteau… Oui ils sont beaux ces feux dans les champs. De la même couleur que la lune rousse. Elle est énorme ce soir. On croirait qu’elle nous regarde. En tous cas elle nous éclaire. Non, conduire ne me fatigue pas, même la nuit. Et puis les jeunes vont mettre de la musique à fond dans la voiture. Avec du hard rock ou Led Zeppelin, je ne risque pas de m’endormir au volant. Vous ne croyez pas ? À quelle heure vous fermez votre friterie ? On n’avait pas prévu de pause. Mais après la frontière, on a eu envie de manger des frites belges. On ne voulait pas celles d’un Mac Do sur l’autoroute, alors on en est sorti. On est tombé sur votre friterie. Merci votre enseigne lumineuse. Vous les connaissez bien les flics du coin ? Ils sont clients chez vous ? Vous pourriez peut-être faire quelque chose pour moi, non ?

A propos de Pascale Sablonnières

photographe autrice et professeure dans une école d'arts plastiques, j'écris. j'écris, en lien ou pas avec des images, en lien ou pas avec des œuvres visuelles, ou avec ce qui se passe ou ne (se) passe pas. http://www.pascale-sablonnieres.fr/ https://montreuilsurpage.blogspot.com/ https://dungesteverslautre.blogspot.com/