A propos de Stéphanie Lannoye

Historienne de l'art et conférencière, mon métier est de relayer par des mots tout ce que d'autres ont créé, imaginé, construit, écrit ou vécu. Comme une balise dans la transmission des savoirs, je guide et je partage.

#été 2023 #01 bis | tout ce qui vit

Pour demain (ou avant-hier, je ne sais plus) : dissertation sur l’un des sujets suivants.Injonction donnée pour avoir des points. Obligation suivie pour avoir la paix.Il est tard et j’observe ma feuille.Double page, lignée, bonne condition, cherche mots avisés pour relation sérieuse. Blagues s’abstenir.Le temps passe. Je l’observe toujours. Je lui fait des infidélités en dessinant dans la marge. Mais elle Continuer la lecture#été 2023 #01 bis | tout ce qui vit

#été2023 #01 | s’encrer

La maison est de taille moyenne, construite avec de grandes pierres grises en guise de peau. Sans voisins ni prétention, elle semble installée là plus par hasard que par nécessité.De grandes fenêtres ouvrent sur une petite place où sont rangés des engins agricoles un peu rouillés et quelques ballots de paille. Le lieu ne paraît pas beaucoup utilisé et, de Continuer la lecture#été2023 #01 | s’encrer

#été2023 #00 | Prologue d’une vie

Je me souviens avoir entendu mon professeur nous dire de ne pas oublier de…La suite de la phrase s’est ensuite perdue dans le bruit des chaises qu’on range lorsqu’on regarde déjà vers dehors.Ah oui ! je dois lire, je ne dois pas oublier.A ce stade et dans ma tête, les verbes peuvent se mettre dans n’importe quel sens, ça n’a aucune Continuer la lecture#été2023 #00 | Prologue d’une vie

#voyages #08 | Reconstitution

  • Igor : yeux bleus presque transparents, comme l’identité qu’il transporte.
  • « The Transsibérien Express Shortest Way between Europe and Far East. 12 days 1cl 250 $Intourist Moscow. Hôtel Metropol represented by all main travel bureaus of the world ». Vu à Bruxelles. Billet acheté par internet.
  • Le bruit est vif, les freins grincent, les gens basculent et le décor s’arrête : Nizhny. Kirov. Perm. Yekatarinburg. Tyumen. Omsk. Novosibirsk. Tomsk. Krasnoyarsk. Tayshet. Irkutsk. Ulan Ude. Chita. Bamovskaya. Khabarovsk. Vladivostok.
  • Il se perd dans un train qui part tout droit. Perdu, il l’est par essence et par naissance. Sur son passeport, Igor. Lieu de naissance : Tayshet. Le 25/01/1989.
  • Entre les gares défilent toute une série d’arbres : d’abord, des bouleaux. Insolents, ils pavanent en rang désordonné. Cependant, la blancheur de leur peau rehaussée de petites lignes noires fait vite oublier leur prétention. Viennent ensuite des épicéas qui – parce qu’ils se ressemblent tous – rendent le paysage presque méditatif. La répétition à ceci d’intéressant qu’elle permet de ne plus penser, un peu comme les ouvriers à l’usine qui répètent inlassablement les mêmes gestes. Enfin, ce sont des pins bas qui vont éclaircir la plaine. Ils se font discrets et comme toute bonne minorité, ils laissent la place à qui voudra (ou pourra) se déployer.
  • L’alphabet cyrillique impose qu’on l’apprivoise selon des règles très strictes, sinon il se dérobe. C’est à n’y rien comprendre. Noter : J’ai faim.
  • Les-russes-sont-rustres-les-russes-sont-rustres-les-russes-sont-rustres-les-russes-sont-rustres-les-russes-sont-rustres-les-russes-sont-rustres.
  • Igor est russe et rigueur, devise inventé pour la beauté du son.
  • Par la fenêtre, on prend conscience que le paysage court en permanence. Impossible de le rattraper. Une fois aperçu, il a déjà disparu. Cette course désespère. On voudrait capturer ces images, les fixer et les regarder et les manger et les dominer mais surtout, on voudrait les faire siennes. Or, elles s’échappent. Un regard et elles se faufilent vers l’arrière, insaisissables. Tout comme l’amour, pense-t-il.
  • Groupe de personnes sur le quai: yeux étirés, pommettes saillantes, cheveux drus et noirs. Je ne viens pas d’ici, se dit-il.
  • -12° degré. Soleil radieux. Gens souriants, sourit-il.
  • Une femme vient s’asseoir près de lui après la gare de Tayshet. Elle est belle, la cinquantaine. Elle a les yeux bleus. Elle est russe. Elle lit le cyrillique. Elle vient d’ici. Ou peut-être d’un peu plus loin. Il la regarde. Il pense : Avons-nous le même sang ?
    Car le sang est le meilleur service de renseignements au monde : il note tout ce qu’on mange, tout ce qu’on boit, les maladies qu’on transporte, il dispose de nos origines, de notre adn, il révèle nos excès et nos manques. Notre sang se livre à coeur ouvert. Se pourrait-il que ?
  • Pirojkis: chaussons à la viande et au chou. Noter : j’ai soif.
  • Les cœurs chantent dans la voiture voisine. La musique monte à la tête. La vodka aussi.
  • Le lac Baïkal, des gens nouveaux. Des vies, des mondes. Chaque monde est un roman. Qui suis-je parmi eux ? Quel est mon personnage dans cette série de mondes qui vient de monter ? Savent-ils que je ne sais pas qui je suis ni qui je suis ? Je n’ai pas de parents donc logiquement je ne suis personne car je n’ai personne à suivre. Et pour suivre, il faut être. Poursuivre, continuer, avancer. Jusqu’à Vladivostok. Point de chute et point final.

#le double voyage #04_Cortazar

Station 3 de la ligne 8, je descends et m’assieds sur l’autre quai, histoire d’aller vers ailleurs. Un flot de voyageurs – qui ne voyagent pas – envahi l’espace entre les rails et le siège qui m’accueille. Ils marchent vers un escalier tous pressés par le temps, lequel n’a pourtant jamais demandé qu’on lui courre après. Je pense à cette Continuer la lecture#le double voyage #04_Cortazar

# double voyage | 03 l’impossible retour

… Et toujours ce sentiment d’abandon, ces pleurs au fond de moi et ces moustiques inutiles dont j’envie la liberté de mouvement. Eux peuvent partir, traverser le fleuve et remonter la forêt. Mais moi, comment partir, s’extirper, s’en aller ?Je suis seule avec ma conscience. Elle me parle car c’est la seule qui s’intéresse à moi. J’observe, elle me répond. Les Continuer la lecture# double voyage | 03 l’impossible retour

#voyages #02 | arrivée

2.Il y a deux jours que je suis partie et j’ai hâte d’arriver. Le temps semble s’être incroyablement rallongé, comme si la nuit n’avait pas eu lieu.Nous arrivons, je le sais car je le sens à l’impatience des gens qui m’entourent. Doucement, les uns se lèvent et ouvrent leur petit compartiment pour prendre leurs sacs de voyage quand d’autres vont Continuer la lecture#voyages #02 | arrivée

#voyages | La nuit d’avant

1. La nuit, j’attends 1. Je n’arrive pas à rester immobile dans ce lit, au bord du sommeil. Peur de m’y plonger, tendue à l’extrême, je liste dans un carnet tout ce que j’ai pu oublier.Comme s’il était possible d’écrire l’oubli. Mais essayer de déterminer le contour de ce que je ne connais pas me fait du bien. Il est Continuer la lecture#voyages | La nuit d’avant

#voyages #prologue | voyages réels

Ban Lung – Boeng Yeak Lom, ces noms qu’on énonce et qui résonnent comme les cascades des environs.Alep toute en nuances se dévoile à travers ses parfums de safran, d’ambre et de cumin.Benghazi en Cyrénaïque prise en otage par les portraits omniprésents d’un homme qui n’est plus.La Paz est vive et au-dessus des autres. Elle n’admet ni la vitesse ni Continuer la lecture#voyages #prologue | voyages réels