##double voyage#01 la nuit d’avant

L’attente

Ce sera une nuit fatigante. Heure de départ 6h du matin. Rendez-vous à Orly à 4h. Heure indue, inhabituelle. Transport compliqué. Finalement, la nuit sera sacrifiée. Bus à partir de Montparnasse à côté de la grande Tour. Serrée dans la masse, avec mes bâtons de marche coincés sous un bras, le gros sac à dos posé au sol, la sacoche pour les papiers collée sur la poitrine, vérification une fois encore, ai-je bien pris le passeport ? Le billet ? Toujours cette angoisse d’avoir oublié quelque chose, un truc important, irremplaçable une fois en route. Il est 21h, arrivée à l’aéroport vers 22h si ça roule bien. De toute façon, je serai à l’heure, il reste à remplir les heures jusqu’au matin. Je suis fébrile, la fatigue des préparatifs, l’inquiétude de l’attente, des horaires, une sensation bizarre dans le ventre, un flottement d’insécurité…il faudrait partir plus souvent en voyage, ma fille, ça te dégourdirait…Le bus arrive, terminus, tout le monde descend, les marches sont hautes, pénibles avec le gros sac sur le dos, les bâtons accrochés et la sacoche bien serrée, l’anorak noué autour de la taille, il a fait chaud dans le bus, dehors il fait frais, on est en février et la nuit étoilée promet d’être glaciale. Je rentre dans le grand hall éclairé, vers le terminus 1 où le groupe devrait se rassembler sous un panneau spécial. Il est 23h, pas faim, un peu froid, les petits cafés ferment, la nuit sera longue. Je repère deux amis qui partageront la randonnée dans le désert tant rêvée depuis quelques mois. Il faudra trouver un coin tranquille, dormir si possible pour être sur le pont quand il faudra se présenter au guichet. Quelques bancs dans une salle d’attente, plastique inconfortable, à rembourrer avec le sac de couchage. Chacun se pose comme il peut, j’ai un banc pour moi, je serre toujours la sacoche, le sac à dos sous le banc, les bâtons avec moi à côté du sac de couchage, lumière crue blanche du plafond, les bruits ont cessé, l’aéroport s’est un peu endormi, mais je suis tendue, inconfort, appréhension, ne pas rater l’heure de réveil surtout, je finis par tomber dans un sommeil agité. Je flotte, je vole, l’avion m’a déjà embarquée, un avion léger qui danse dans les nuages blancs, entre le soleil tout haut et la terre toute proche…je vois des champs et forêts, des clochers pointus, des coupoles dorées, cuivrées du vert du rouge du brillant du mat, des coupoles de Florence, de Rome, de Vienne, de Berlin, des clochers en oignon qui brillent dans la Russie enneigée, ça ondule comme les champs de blé, comme la mer bleue, comme les nuages blancs…ça bouge à côté, tape sur l’épaule,  le guide est arrivé, c’est l’heure de se présenter au guichet d’enregistrement. File interminable malgré l’heure matinale, finalement le sac de 15kg est parti sur le tapis roulant. Attente, encore. Bousculade, l’avion est plein, je suis à côté d’une fenêtre, dehors il fait encore noir, je ne vois rien. L’avion décolle, je replonge dans mon sommeil…

A propos de Monika Espinasse

Originaire de Vienne en Autriche. Vit en Lozère. A réalisé des traductions. Aime la poésie, les nouvelles, les romans, même les romans policiers. Ecrit depuis longtemps dans le cadre des Ateliers du déluge. Est devenue accro aux ateliers de François Bon. A publié quelques nouvelles et poèmes, un manuscrit attend dans un tiroir. Aime jouer avec les mots, leur musique et l'esprit singulier de la langue française. Depuis peu, une envie de peindre, en particulier la technique des pastels. Récits de voyages pour retenir le temps. A découvert les potentiels du net depuis peu et essaie d’approfondir au fur et à mesure.