Echouer à Tambacounda / Le double voyage #2

La tête devient trop lourde, elle cogne sur les épaules au rythme des cahots du taxi-brousse. Il ne s’appelle pas encore S’en fout la mort. Mais il pourrait. L’affaiblissement extrême peut porter au rire. Rire de la poussière qui joue à faire des nuages, rire de la chaleur solaire qui envahit tout. Le ventre en est rempli, n’accepte plus l’eau qui fait tant besoin au corps pourtant. A l’approche de Tambacounda, ce ne sont pas les constructions qui se densifient, ce sont les personnes, des personnes qui marchent, des personnes qui pédalent devant des montagnes sur porte-bagage, des personnes qui se laissent porter par des charrettes… Tout cela paraît lent à la tête si lourde et qui a envie d’en sourire. Une voix, tout à côté dit que le repère d’arrivée, ce sera le garage Kotiary. Un garage. Pour l’esprit qui s’engourdit peu à peu sous l’effet de la déshydratation intense, cela évoque d’abord « Le garage », celui de carton-pâte qui était l’un des jouets préférés de l’enfance. Mais cela ne peut pas être ça. Pourtant, les premières constructions qui apparaissent paraissent si légères, aux parois si fines, qu’on les dirait de carton-pâte quand on arrive ainsi dans une telle ville pour la première fois. Mais le garage Kotiary, ce pourrait aussi être un garage à réparer les véhicules, comme la Clinique du frein du faubourg qui faisait déjà tant rigoler… Non, juste un enchevêtrement de véhicules. Il y a tout le temps pour voir ça, le taxi-brousse ralentit. Des véhicules prêts à partir. Des véhicules qui arrivent, comme lui qui, sans avoir prévenu, s’arrête là. La voix, tout à côté, dit que maintenant il faut chercher la case de passage des Volontaires du progrès. Quelle envie de rire ! Les volontaires du progrès… La tête qui entrevoit la perspective de la mort a bien envie de se marrer… Y aura-t-il du verre à voir l’avenir ? Des portes de papier à en écrire les perspectives ? Il va falloir marcher un peu. La voix à côté s’inquiète de cette possibilité. Les jambes sont molles mais les couleurs et les odeurs soutiennent, dès la portière ouverte. C’est une ville vivante qui est là, la tête flageolante a un dernier sursaut : lui faire honneur.