Autobiographie#10 Elle et elles

     

le temps passe
le temps passe

Elle est assise sur la terrasse. Elle aime être dehors, au soleil. Elle aime les rayons qui la caressent, la brise qui câline. Elle aime le jardin autour, son arbre, ses rosiers. Elle est triste, elle ne peut plus soigner ce jardin comme il le mérite. Elle est affaiblie. Elle se sent diminuée. Elle a pris de l’âge. Elle n’aime pas vieillir. Elle n’aime pas défaillir. Elle aime bien maîtriser sa vie. Elle n’aime pas rester là sans rien faire. Elle a toujours travaillé. Elle bouge ses mains, ses doigts, avec difficultés. Elle ne tricote plus. Elle n’aime plus cuisiner, faire des petits plats pour les siens. Elle ne peut plus tenir des outils. Elle a abandonné le sécateur, la bêche, elle a rangé tournevis, pince, clé anglaise. Elle fait appel aux autres, ceux qui savent, ceux qui peuvent encore. Elle a des regrets. Elle aimerait bien faire encore. Elle n’aime pas vieillir. Elle a du temps, elle attend qu’il passe. Elle apprend la patience. Elle compense. Elle a découvert le fusain, le pastel, les couleurs. Elle crée des tableaux. Elle copie des images. Elle fait des portraits. Elle est malhabile, mais elle aime. Elle retrouve un sens à cette vie qui s’étire.

Elle travaille beaucoup. Elle couve sa famille, elle la couve un peu trop, une vraie mère poule. Elle s’en veut, elle ne sait pas déléguer. Elle est fatiguée, elle suit ses petits du matin au soir. Elle a voulu une famille nombreuse, un, deux, trois, quatre, cinq et six. Elle s’est arrêtée là. Elle berce, lange, soigne, surveille, câline. Elle enseigne, fait le chauffeur, la cantinière, le garçon de courses. Elle anime leurs dimanches. Elle leur lit des histoires, les endort en chansons. Elle n’a pas de temps pour une vie à deux. Elle voit peu son mari, elle le voit de moins en moins, puis plus du tout. Elle avait cru qu’il assurait avec elle, elle s’est trompée. Elle a du chagrin. Elle tient le coup, elle est obligée. Elle a ses enfants.

Elle est vive, enjouée. Elle aime danser. Elle fait du piano. Elle a un smartphone comme toutes les copines. Elle ne le quitte jamais, elle pianote avec une facilité qui éblouit sa mamie. Elle explique, demande, quémande un ordinateur personnel, rien que pour elle. Elle fait des études, elle choisira les sciences, ou peut-être du droit. Elle n’est pas encore sûre de ce qu’elle veut. Elle a le temps. Elle regarde l’avenir de loin, elle trouve que c’est compliqué. Elle déclare haut et fort qu’elle ne voudra pas d’enfants. Elle a envie de profiter de la vie, de choisir sa vie à elle. Elle pense que l’avenir sera difficile, elle ne fait pas confiance au monde qui gouverne, elle se demande si la terre tiendra le coup pour les générations futures, elle cherche comment aider, elle se cherche.

A propos de Monika Espinasse

Originaire de Vienne en Autriche. Vit en Lozère. A réalisé des traductions. Aime la poésie, les nouvelles, les romans, même les romans policiers. Ecrit depuis longtemps dans le cadre des Ateliers du déluge. Est devenue accro aux ateliers de François Bon. A publié quelques nouvelles et poèmes, un manuscrit attend dans un tiroir. Aime jouer avec les mots, leur musique et l'esprit singulier de la langue française. Depuis peu, une envie de peindre, en particulier la technique des pastels. Récits de voyages pour retenir le temps. A découvert les potentiels du net depuis peu et essaie d’approfondir au fur et à mesure.

Un commentaire à propos de “Autobiographie#10 Elle et elles”

  1. Retrouvé l’énergie et l’envie…Bien en retard, pour rattraper je commence par la 10, j’espère pouvoir remonter et répondre aux autres propositions…