# le double voyage #03 | Un goût d’île

… et toujours, une main se levait à son passage et lui montrait, un coin de ciel emmuré. … et toujours, il remarquait en suivant la direction indiquée un léger voile onduler sur le fond bleu acide.

Les habitants, par les beaux jours de ce printemps précoce, laissaient des carrés de leur peau prendre le soleil, des tatouages de toutes sortes, toutes tailles, tous motifs, toutes couleurs se donnaient à sa vue, à la rue et aux terrasses déjà sorties.

Les habitants de la ville n’étaient pas d’ici, nombreux et nombreuses ceux et celles qui venaient d’ailleurs. Là-bas on ne gagnait pas sa vie et on avait une famille à nourrir.

Il fallait s’extirper du dédale des rues, tourner à gauche pour atterrir, surpris du panorama soudain découvert, face à la mer. Il fallait se trouver au creux des rochers, un abris au vent du nord, qui offrait une exposition à la chaleur naissante des rayons.

… et toujours, on retournait vers ses ruelles, on oubliait les ans, King street redevenue rue de derrière, Bagatelle Road, que lui importe. … et toujours, sur le papier-monnaie, une tête couronnée vous ramenait un parfum de vieil Empire.

Les habitants, vrais insulaires, étaient prospères. Ils faisaient affaires en banques d’affaires. Les habitants étaient roués. Ils faisaient grande lessive de grosse monnaie. Les habitants étaient roués. Ils battaient petite monnaie.

Il fallait mieux tout laisser sur place, repartir libre de l’île. Il fallait revenir au continent le pied un peu moins sûr qu’en en partant. Garder un peu de roulis dans le creux des articulations…

… et toujours, en ses continents s’ajouraient de nouvelles failles, venues de loin vers la surface et toujours… on se re-connaissait tout bien à l’identique et légèrement de biais… et toujours, le temps quotidien effaçait peu à peu l’impression.