Noir d’encre

Chambre immense, lit cage en fer peint en blanc, glacé, attendre là d’interminables minutes ou heures que les parents et le frère viennent dormir, un noir d’encre, pas l’habitude, ne même pas voir ses propres mains, une voiture passe dans la rue, un bruit auquel s’accrocher dans l’angoisse de la nuit, au mur la photo de l’oncle en habit militaire posant assis sur une chaise au retour de la guerre, un bouquet de fleurs séchées posée sur du velours noir dans un cadre ovale au verre bombé. Une cellule monacale dans un centre de retraite pour catéchumènes, seule, sac de couchage, rien d’accueillant, murs nus et froids, quelqu’un passe voir si on est au lit, la porte claque, vivement que la nuit se passe. Plus jamais seule dans les chambres sauf dans la sienne, évitement inconscient ou circonstances. Une chambre à la Côte d’Azur avec les parents, une chambre rose, tendue de tissus, lumière, soleil, lavande, douceur de vivre, dernières vacances ensemble, doux souvenir. Chambre de vacances avec mari et enfants, un chalet à la montagne, en Suisse, à nouveau le noir d’encre, l’angoisse resurgit, volets fermés ou ouverts, aucune différence, les enfants n’ont pas peur, ils sont à deux, ils dorment l’un près de l’autre. De nombreuses chambres de vacances se sont succédées, cette chambre à Nice, à quatre, chaleur étouffante, découverte d’une ville au charme suranné. Dans le Marais poitevin, ce studio chambre d’hôtes attenant à la maison principale, atmosphère délicieusement exotique. Et puis cet hôtel à la mer, vacances en famille, chaque année pendant vingt ans, parfois la même chambre d’une année sur l’autre, chambre claire, spacieuse, murs couleur corail, la moquette où crissent parfois les grains de sable, les jouets des enfants entassés dans un coin. Et puis une année, les enfants ont eu leur chambre à eux et il n’y a plus eu de jouets. Une chambre design à Londres, de la largeur du lit, la fenêtre comme tête de lit, des lumières qui changent de couleur et que l’on actionne au moyen d’une tablette, la salle de douche et toilettes dans la pièce séparées par une coque translucide, des nuits art moderne, South Bank et Docklands. Enfin, cette chambre Airbnb à Providence, au cœur de College Hill, savoir que le maître de l’étrange a arpenté cette rue, qu’il a habité à deux pas il y a près d’un siècle et pourtant ce sentiment d’être là, bien ancrée dans le XXIe siècle, lumineux, moderne, d’une Amérique teintée d’Europe, une chambre dans une maison en bois, géorgienne, des dessins d’architecture sur les murs, des livres, un bureau, sensation d’une chambre d’étudiante, rassurante, dynamique, une plongée dans l’ailleurs.

A propos de Catherine K.

Mon nom complet est Catherine Koeckx (prononcer Kouks). Citadine depuis toujours mais avide de nature et de grands espaces que je partage par la photo ou l’aquarelle (www.catherinekoeckx.be), je suis aussi passionnée par la ville (@bruxelles_autrement). Bruxelles mais pas que... J’ai publié Le Guide lovecraftien de Providence en 2021 (disponible sur Amazon.fr ou sur commande privée). Je viens de lancer mon blog littéraire Itinéraires pluriels (https://itinerairespluriels.wordpress.com).