Solstice

Elle attend. Elle a froid. Elle déteste ce solstice d’hiver… Jour le plus court , nuit la plus longue. Elle attend. Elle a froid. C’est ici qu’elle doit attendre. Le gel fige la fontaine monumentale sur la place gigantesque. C’est joli, pense-t-elle, un peu rococo peut-être. Elle frissonne encore. Elle est à l’heure. Elle ne connaît pas cette ville. Train juste à temps pour le rendez-vous. Elle n’aime pas trop les voyages en train. Il y a du monde, du bruit dans les wagons. Même très tôt. Familles avec enfants à demi endormis, qui piaillent ou pleurent, rient aigu, bruits de papiers de bonbons, de biscuits cassés, sonnettes de téléphones intempestives et malvenues – immédiatement regards courroucés de ceux qui pensent – toujours?- à éteindre le leur avant de monter. Hommes en costard trois pièces et cravates, où vont-ils ? Réunions de travail, commerce, échanges, décisions, idées vides, mots creux, réunions, commerce, échanges, décisions, idées creuses, mots vides… elle connaît le cercle sans fin de ce monde qu’elle quitte sans raison, sans remord. Dans le train, elle ne lit jamais, elle regarde, observe les gens, photographie, mémorise. Parfois, plus tard, elle dessine ou dépeint, pour se souvenir.

Elle attend. Il fait froid. Son manteau est trop court, trop léger. Gants oubliés. Heureusement, il y a les bottes rouges, ses préférées. Elle regarde ses pieds, rassurée, réchauffée. Elle n’a pas de valise. Juste un sac, pas très grand. Le reste reste là où elle n’est plus.

C’est l’heure du rendez-vous. Décisif, le rendez-vous. Un rendez vous de changement de vie, ce n’est pas tous les jours. Elle attend. Elle a froid. De plus en plus. Elle doute. Est-ce une bonne idée ? Est-ce un contact fiable ? Cette femme qu’elle doit voir, qui est-elle au juste ? Sa proposition est-elle la bonne ? Est-ce ce qu’elle doit faire ? Est-ce maintenant ?

Elle est au bon endroit, à la bonne heure. Il doit aussi y avoir, bientôt, la bonne personne, celle qui l’emmène vers cet ailleurs à découvrir, cet autre elle-même qui doit se révéler. Elle attend. Il fait froid. Au fond de la grande place, une silhouette, longue, haute, un manteau qui bat. Elle attend encore un peu, elle n’a plus froid. C’est maintenant.

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