#L5 | on n’est pas dans les bisounours,

… le virage, le virage du ciel, le ciel vire au gris, le ciel vire au blanc, le grand virage, le grand contournement n’en finit pas, qui vire, qui vire, le virage virant, qui vire au gris, vire au blanc, s’efface, à l’effacement, au blanc virage du ciel au-dessus du virage, au dessus du rond-point, du grand virage, le virage permanent, sans changer de direction, sans direction, du grand contournement, le grand contournement du ciel, de la zone, par le ciel, contourne la zone, qu’on tourne, la zone contourne, contournement de l’agglomération par les poids-lourds, par les nuages, le grand contournement de la vie humaine par les nuages, les camions de tubes, de buses, les camions-plateaux, les longs, les camions, les semi-remorques tournant dans les rond-points, si longs, la torsion des remorques, il prend tout le rond-point, clignotant à gauche, à gauche, la longue torsion des véhicules longs, long vehicle, les noms, ne pas savoir sortir des noms, de la route, ne pas savoir faire, autrement que nommer les chose, donner des noms, dire, dire les noms qui viennent, les fétiches, fétichiser des noms, ne savoir qu’unidimensionnellement nommer les choses, dans la longueur, en longueur, œillères des noms, ne voir que les noms, pas les directions, infinitif, infinitif, ne connaître que la longueur, de la route, que la route, ne pas savoir quitter les noms, se séparer dans les noms, diviser en noms, isoler, ne savoir qu’isoler, que nommer, donnez-moi votre nom, les trucs, ce qui se voit, nommer ce qui n’existe pas, qui se sent, nommer même ce qui n’existe pas, ce qui est entre, sans contour, l’isoler dans un nom, même ce qui est une relation, isoler la relation, un virage, le virage dans le ciel, le virage du ciel, la grande courbe, la courbe qui se perd, la perte, perdue dans l’horizon, derrière la terre, la courbure, l’incurvation, le grand virage, le grand évanouissement, s’évanouir dans un évanouissement plus grand, plus impalpable, vire à l’impalpable, chavire, de chavirer derrière la courbe impassible, imperturbable, imperceptible du ciel, la course, la course du ciel, ininterrompue, infinie, jamais finie, jamais au bout, le rond-point, rond-point des impasses, les noms se succèdent comme des autos, les noms se suivent, les noms se ressemblent, les noms ne se ressemblent pas, les noms se suivent sans se ressembler, les noms se confondent, les noms se répètent, les noms des autos, pouvez-vous me répéter son nom, madame — vous êtes sa fille ? — pouvez-vous me redonner, épeler son nom ? nom de jeune fille, répétez votre nom, les mots, les noms, répétez après moi le nom, non, les nuages, répètent leur nom, de nuages, répètent leur absence de nom, les nuages dans l’absence des noms, l’évanouissement, les nuages se reproduisent, se morcellent, se mangent, s’effilochent, se grossissent, se fondent, les nuages, les virages, les rimes, les terminaisons, suffixes des mots s’accrochent, s’approchent, par les extrémités, par affinités, en remorques, en convois, ordinaires, quelconques, divers de noms, pourquoi, pourquoi est-ce que je n’arrive pas à faire des phrases, pourquoi je n’arrive plus, je n’articule plus des phrases ? comment je n’arrive plus à m’articuler , à me lier, au monde, qu’est-ce que je ne sais pas, que sais-je, articuler — est-ce que ça vient de là, de l’articulation de la cheville, ça part de la cheville, la douleur, ou de tous les petits os, les osselets du pied, je les lance, éclaté, je n’en rattrape pas la moitié, l’articulation du poignet, mes poignets, des deux, la douleur lance, les paumes, paumes contre sol, la route, ça me remonte, tourne, ça remonte dans toute la jambe, ça remonte au cœur, le pincement du, la douleur, un pincement au cœur, c’est gros, c’est massif au cœur, les yeux, une faiblesse, les oreilles bourdonnent, soudaine, un énorme, un nuage me tombe sur la tête — c’est quoi mon problème avec, ce problème d’articulation, soudain, je ne savais pas, je ne me savais pas si peu encline, d’un coup c’est quoi la difficulté, l’impossibilité avec articuler, avec m’articuler, je n’articule plus, je n’arrive plus, je ne viens plus, ne comptez plus, que des mots, des noms, elle se prend pour le dictionnaire ou quoi, elle lit le dictionnaire dans sa tête, dans le ciel ? elle dit : les articles, articuler, je ne sais qu’énumérer, lancer des entrées d’articles, entrées d’articles vides, les souffler, des souffles, des bouts de souffle, entrez dans les articles vides, les noms sans les, sans définition, le grand virage du ciel définir, donne basse définition grand virage du ciel, recherche nuages, ciel pixelisé, cubes, carrés, extrude, extrude le ciel, point, carré, cube, pixels en bâtons, en relief, ne sais qu’énumérer des noms, des noms de marques, des marques, les stigmates tombés du ciel, les noms, les panneaux directionnels plantés, plus du ciel, plus drus, plus de plus en plus drus, des choses qui me tombent du ciel, une pluie, la pluie n’articule pas, la pluie n’articule pas, la pluie, la pluie des atomes, la déclinaison, l’infime, elle n’articule pas elle, peut être, elle décline elle peut décliner, une infime déviation, la déviation, une infime déviation une déviation non, qui n’est pas indiquée sur un panneau, la déviation d’un nom, comment un virage devient un virage, comment ça devient un autre virage, devient autre, comment il vire, comment un virage n’est plus lui-même, égal à lui-même jusqu’à ne plus se ressembler, s’y retrouver, se retrouver sous une autre lumière, un éclairage différent, qui a tourné, n’est plus un virage, autre chose qu’un virage, dans un nuage, un village, le village, le village dans les nuages, pourquoi je confonds le village dans les nuages avec les télétubbies, pourquoi j’appelle les télétubbies le village dans les nuages, pourquoi ils disent les bisounours, pourquoi ils disent : on n’est pas dans les bisounours, pourquoi on n’est pas dans les bisounours, est-ce que ça nous ferait mal, d’être dans les bisounours, tout en nuage, un village dans les nuages, un virage dans les nuages, tout ennuagé, pourquoi ? jamais regardé ce programme — toi oui, ma fille, comme ça fait du bien de te voir, le baume, tu ne peux pas savoir, je ne peux plus, pas te dire mon soleil ma fille, tu regardais ce programme, tu te souviens, pas moi, ce n’est pas moi, pourtant… c’est moi qui allumais la télé, c’est bien moi qui t’ai allumé la télé, moi qui ai acheté la télé, c’était bien moi, ton père ? je l’ai posée sur la banquette arrière à côté, toi assise, derrière moi, c’est moi qui t’ai donné l’accès au village… déjà tu étais plus grande, tu riais des télétubbies, nous riions ensemble, nous nous moquions d’avoir été si jeunes, des bébés, toi mon bébé, et moi, quel bébé en miroir ? tu m’as fait voir les télétubbies, tu m’as fait regarder, le bébé soleil, tu m’as fait voir les lapins dans l’herbe verte, qu’est-ce qui s’est passé… qu’est-ce qui se passe, pour que je cherche les lapins dans l’herbe verte, les vallons vallonnements, les cuvettes, les talus les îles les rives, les rives les terre-pleins, les lapins du rond-point dans le virage sous les nuages les pâquerettes, les pâquerettes ? marguerites ? quelle différence entre…