UNE PHOTO

Elle est là assise face au soleil frileux du printemps,elle cligne des yeux, un regard bleu délavé, usé par les années, si vulnérable, un sourire timide, bien coiffée, une vieille dame qui a une tenue moderne pour son âge, porte un pantalon,des mocassins, elle tient beaucoup à son cardigan rose clair et ses chaussettes sont toujours assorties à ce qu ‘elle porte lorsqu’elle sort de l’EPAD et va dans sa famille, sa dernière coquetterie si loin des tenues de marques qu’elle choisissait jeune-femme dans la boutique élégante de la grand rue , elle est seule à ce moment, sa famille est occupée à préparer le repas du dimanche loin d’elle elle se déplace trop difficilement pour aider, participer aussi à la conversation générale, toutes ces voix jeunes qui parlent de sujets si éloignés de sa vie présente et passée elle en arrive si souvent à faire de fausses interprétations des propos qu’elle a progressivement décidé de rester dans le silence, elle attend d’avoir une conversation intime, là elle peut comprendre, échanger mais c’est si rare désormais,elle a essayé d’attirer le regard d’un des invités, il s’est approché d’elle souriant pour échanger un instant, elle a pu montrer qu’elle a toute sa tête, a eu même des réparties pleines d’humour fière d’en être encore capable, elle n’est pas seulement cette vieille dame que l’on pose là croyant avoir fait ainsi son devoir avant de la ramener avant cinq heures dans cet endroit qu’elle n’a si longtemps pu identifier, un hôtel ? pas un hôpital, tout de même ? elle n’était pas malade, elle sait seulement qu’elle doit habiter là désormais avec des personnes qui lui semblent étranges avec qui avoir une conversation sensée et suivie est si difficile, loin de son appartement si gai, ensoleillé, ses bacs à fleurs sur les balcons qu’elle entretenait si bien, sa femme de ménage si bienveillante, son chien, son chat, son pigeon préféré qui venait la visiter chaque matin à la même heure parce qu’elle lui donnait des graines au grand dam des copropriétaires, toute cette vie devenue ralentie avec les années mais qu’elle aimait beaucoup dans ce quartier où elle avait vécu avec son mari et ses enfants et beaucoup travaillé aussi, elle peut si rarement évoquer cette vie-là avec sa famille…. c’est ainsi que je l’ai photographiée ce midi ensoleillé avant que les jours mauvais n’arrivent plus tard pour elle.

A propos de Danièle Livet

Suis venue très tard à l'écriture grâce à mon amour du Haïku, cet art poétique modeste, me suis surprise à en écrire moi-même et cela dure depuis presque 20 ans ! depuis 3 ans je suis passée à la rédaction de textes très courts , comme des micro-nouvelles , en adhérant à cet Atelier, j'ai l'espoir de pouvoir progresser par les exercices et par la lecture des auteurs, par l'échange avec eux . Depuis 3 ans également publie les Haïkus et les textes sur Short-edition sous le pseudo SOSEKI (en hommage à un de mes écrivains favoris )