Point aveugle

     La vie resplendissait dans les yeux de son visage… sage, sans âge, vague souvenir surgi d’une région obscure de la mémoire, trace de visage, esquisse, quelques traits, presque rien, une sorte de trou noir qui absorbe toutes les tentatives de description, dans les cauchemars, les yeux ne sont plus que des orbites démesurées qui ressemblent à des bouches d’ombre, on les entend crier silencieusement… Pourquoi?… Être ou ne pas être?… Ses yeux étaient les miens, les mots qu’il prononçait dessinaient le contour de ma bouche, je l’avais vu comme personne ne l’avait regardé avant moi, son visage avait l’éclat d’un diamant, je pouvais le regarder en face, la nuit n’était pas effrayante, l’ombre jouait avec la lumière!… Le visage aimé est une douce énigme… que reste-t-il d’un visage mort?… Ses yeux façonnaient mon corps, son souffle faisait battre mon cœur, les mots de sa bouche nourrissaient mon esprit, son regard éclairait l’obscurité!… Son regard éteint me rend aveugle et me livre à la Nuit, son visage mort m’arrache à la vie… Un être sans visage me poursuit, il est vêtu d’un habit blanc, son attitude est suppliante, je reconnais son geste, je devine la courbure de son bras levé pour me caresser la joue, je tends la main vers lui, il s’efface, l’écho de ma voix qui l’appelle se brise contre les parois des ténèbres…

A propos de Françoise Gérard

Auteure de plusieurs récits publiés aux éditions La Chambre d'échos, chez les Cosaques des frontières, à compte d'auteur et sur son blog [ https://leventquisouffle.com/ ] . Participe depuis plusieurs années aux ateliers d'écriture de François Bon sur Tiers Livre. Aime dessiner.

7 commentaires à propos de “Point aveugle”

  1. le souvenir d’un tête à tête dans le froid de la chambre le lendemain matin, et la découverte de ce visage qui était celui de l’homme à peine mur, celui que j’avais oublié…. (pardon Françoise, dans un premier temps, même si je savourais tes mots, c’est cela qui s’est imposé)

  2. Oui le terrible visage de nos morts, des images s’imposent aussitôt… morts ont-ils un visage ? je trouve ce texte très juste