Premier palier de replongée / revisiter #2

La fournaise du ventre au réveil.

Ce n’est pas de l’appétit. C’est encore moins de l’envie de manger. L’obsession que quelque chose doit s’ouvrir, que quelque chose doit se passer, de l’ordre de ce pour quoi j’aurais vraiment un appétit, un définitif appétit.

Les larmes qui pèsent tout au bord des paupières.

Cela peut venir aussi bien de ce qui fait plaisir d’habitude que de ce qui rappelle les mauvais souvenirs. Comme si le plaisir ne pouvait être immédiatement pris. Comme si les souvenirs redevenaient ce qui est en train de se passer, avec un pouvoir nouveau de faire souffrir.

La traque des saveurs.

Il s’agit presque de s’assurer qu’on vit encore. Ce qui est bon à manger, ce qui est beau à voir, ce qui est doux à entendre… Et les parfums aussi et les caresses quand il s’en présente… Mais rien n’est finalement bon, rien n’est doux… Tout est tout juste beau au point d’en faire venir d’amères larmes.

L’obsession de l’arbre rond.

On pourrait croire que la rondeur apaise. Mais elle étouffe plutôt. L’arbre rond ne vient à la pensée que dans le cadre d’un scénario. L’arbre ne cesse d’imposer le scénario à la pensée. Ne pas lutter mais laisser venir l’épisode où arrive la personne qui me découvrirait là, qui m’aurait connu peut-être d’avant, qui aurait peut-être aimé un peu ce que j’ai parfois fait… Larmes mais quand même, un certain apaisement.

La vigilance du tulipier.

Cet arbre-là marque bien les cycles : le moment des boutons floraux, tôt encore dans l’hiver, l’éclosion pleine des fleurs, le mélange entre les dernières fleurs ouvertes et les feuilles charnues, la résistance des feuilles charnues au plus aride des étés, les feuilles qui tombent et même les râleries de celui qui les ramasse, très peu de temps avant que les boutons floraux ne reparaissent. En observant le tulipier chaque fois que j’atteins le bout de l’impasse, en me confiant à lui, je m’inscris dans un cycle. Je rêve toujours à l’élévation spiralique mais au moins je suis assis quelque part et je peux regarder l’arbre rond d’un peu loin, résister à entreprendre vers lui le grand voyage.