Ton sourire, l’énigme de ton visage

75 ans, ton visage figé est celui de la mort, visage de marbre blanc, ton sourire à jamais a disparu

Ton visage ridé marque ta vie, chaque ride est la trace de ton chemin, ride du temps qui passe, ride de ces dernières années vécues dans ce petit appartement au 6ème étage de l’immeuble face à l’église, ride des douleurs traversées, guerre, divorce, dispute, regrets, remords, dernières années sans ce fils tant aimé parti vers un ailleurs qui marque le début de la fin, absence de sourire

Photo sur papier cartonné en noir et blanc, à peine jaunie par le temps, trace d’une époque disparue, le bébé assis sur une peau en fourrure ébauche son premier sourire, tu regardes déjà le photographe comme si tu étais consciente que ce moment restera gravé à jamais

Sur la photo en noir et blanc, ton visage de profil est légèrement tourné vers la droite, ton front est lisse, tes sourcils finement dessinés,un sourire aux lèvres laisse apparaitre tes dents joliment alignées, es tu consciente de ta beauté ? quel âge avais tu ? ton regard vers qui ? vers quoi ?

Tu m’invitais à rire aux éclats alors que l’époque obligeait les filles à sourire poliment

Tu as vieilli à travers la douleur de ton corps, dos et hanches meurtris, tu n’as pas aimé vieillir, qui aime vieillir ? tu as traversé la vie trop vite alors que moi je naissais tout juste à la vie d’adulte souriant à la vie

Tu aimais poser sur les photos, assise dans un jardin un verre à la main, debout face au photographe au milieu des fleurs, entourée de ton fils unique, ta belle fille et tes deux petites filles, le sourire est le même à travers les âges…

Aujourd’hui tu as disparu depuis 32 ans…je sais tes douleurs que je retrouve dans mon corps,je sais qu’un sourire peut cacher un malheur, un jour nous aurons le même âge…

A propos de Caroline Burgy

Lire, écrire, faire écrire, trois mots, marqueurs de ma vie, animatrice d'ateliers d'écriture, ils ont jalonné ma vie depuis quelques années, des rencontres avec quelques passeurs m’ont donné l’occasion de soutenir cette place avec les autres. Marguerite Duras écrivait "l'écriture c'est l'inconnu. Avant d'écrire on ne sait pas ce qu'on va écrire..." sans doute suis je portée par cette part d'inconnu à découvrir au fil du temps...