Hors-série #2 Cafetière (l’électrique)

Le matin son bruit est une promesse de clarté, de cette douce liqueur qui va désembuer mon cerveau, un goutte à goutte au rythme irrégulier, émit par petites salves jusqu’au gargouillis final, interminable gargouillis quand j’ai oublié depuis trop longtemps de détartrer, il est prudent d’attendre que toute l’eau se soit écoulée et qu’il n’en reste pas dans le filtre prête à dégouliner sur mes mains quand je vais le jeter, attendre le temps de préparer ses tartines ou de donner à manger aux chats. Le remplissage un peu maniaque du filtre papier en héritage, mon père tassait soigneusement la mouture dans le filtre avec le dos d’une petite cuillère, geste selon lui indispensable pour que l’eau s’étale sur toute sa surface sans la traverser prématurément et lui permette de gonfler doucement avant de couler dans la verseuse, méthode fidèlement conservée. La graduation bien visible du réservoir d’eau permet d’ajuster le nombre de doses, une cuillère par tasse plus une, une cuillère par bol moins une. Au fil des années les modèles se sont succédé, soit pour légitime cause de panne soit, plus frivolement, pour succomber aux promesses des innovations technologiques, j’ai abandonné la verseuse en verre chauffée par dessous dont le contenu finissait invariablement par brûler pour une version isotherme et pouvoir y revenir toute la matinée, que chaque tasse soit encore fumante, le tiède n’est pas une option, j’ai adopté le système anti-goutte pour pouvoir me servir avant la fin en cas d’urgence sans m’ébouillanter et j’ai testé sans succès la programmable qui n’était jamais au rendez-vous. Celle qui m’accompagne depuis bientôt dix ans est en plastique blanc jaunissant. D’autres options étaient possibles, plus esthétique comme l’élégante Chemex, toute en verre, la taille enserrée dans une ceinture de bois, plus respectueuse des arômes comme l’italienne ou plus écologique comme celle à piston, cependant je lui reste indéfectiblement attachée sans m’interdire de rêver au prochain modèle qui pourra aussi moudre le grain.

A propos de Isabelle Charreau

j’arpente plus facilement les chemins de terre que les pavés de la ville, je fréquente l’atelier pour le plaisir comme des gammes, sans projet de partition

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