Pas d’ouverture au noir, ni travelling arrière, aucun usage de time-lapse, ni plan au ralenti, pas de fondu enchaîné, la bande son est blanche, le silence seul, une unique séquence de 86 minutes ne fait voir que des close-up de bouches humaines qui mangent, dévorent, mastiquent. Le lieu de tournage retenu est à Dubaï où je n’irai jamais, au pieds de la Burj Khalifa, dans les 836 000 m2 de surface marchande du Dubaï Mall, le plus grand centre commercial au monde, du groupe Emaar Properties.
A quoi bon, il est trop tard ! Il ne sert à rien de filmer. Un film ne change rien. Nous montrer nous mêmes, nous regarder dans le miroir des images, nous faire voir ce que nous sommes en train de faire. Quarante ans après le film de Godfrey Reggio, une génération se souvient de la musique cuivrée de Philip Glass. Une génération plus jeune prend conscience des alertes. Mais qui garde dans ses yeux les trois prophéties Hopis du générique de fin de Koyaanisqatsi ? Elles sont là, présentes, se réalisent : Si l’on extrait des choses précieuses de la terre, on invite le désastre — Près du Jour de Purification, il y aura des toiles d’araignées tissées d’un bout à l’autre du ciel — Un récipient de cendres pourrait un jour être lancé du ciel et il pourrait faire flamber la terre et bouillir les océans.
L’intégralité de ce film expérimental de Godfrey Reggio est disponible a cette adresse : https://youtu.be/v6-K-arVl-U
le film avec une bande son blanche ( comme dans Salo le silence creuse l’image) de l’importance du son manquant ou saturé, des décalages ou disjonctions entre image et son. Ce Close Up sur une dévoration ( est-ce que ça change quelque-chose que ça se trouve à Dubaï, ici dans le texte indéniablement le nom ouvre sur un abîme de marbre – à l’image on ne sait pas: les bouches vont-elles régurgiter Dubaï? ) . Pas vu le Coppola ( vais me rattraper) alors merci Ugo pour toutes ces ouvertures et la beauté des prophéties Hopis
Non, vous avez raison Nathalie : Dubaï ou n’importe où, cela ne change rien aux gros plans des bouches humaines qui dévorent. Mais c’est l’un des lieux les plus visités au monde de nos jours, phantasmé par un grand nombre d’humains consuméristes. Comme il y a toujours des traces autobiographiques dans ce que l’on peut écrire, Dubaï est pour moi la preuve qu’il est trop tard.
vraiment un fort titre (et merci du lien)
non, enfin peut-être mais filmer ça peut faire du droit : Nuremberg, « Nuit et brouillard » et pas mal d’autres (Ford, Fuller, Stevens, sans doute bien d’autres) : non, ce sont des représentations – penser que notre époque est celle qui en verra l’extinction est assez nombriliste – et furieusement contemporain – je vais m’en garder… (c’est que (probablement) j’aime le cinéma…) (mais merci (infiniment) du lien vers le film)
serait bien pourtant ce film… er si peu le voient tant pis, ou en tiennent compte, c’est tragique (si) mais on n’y peut rien,… ça ferait du bien de le tourner (si on peut dire)
Ugo, le même jour découvrir Bruno Latour et ton texte « Filmer ne sert à rien » avec lien vers le film « Koyaanisqatsi » est très fort. C’est vraiment une mise en abîme vertigineuse. Merci ce mot est très faible.