A propos de Helene Gosselin

Un peu de sociologie de l'imaginaire, quelques années de journalisme à Montpellier. Mise au vert en Lozère. Venue ici par un heureux concours de circonstances. M'y accroche. Dévide, fouille, cherche sous les doigts.

autobiographies #11 | robes

C’est en nylon, ce doit être en nylon, nouvelle matière, moderne, marque du progrès qui tarde dans les placards de la cuisine – l’ancien matériel est si solide – quelques cintres dans la garde-robe. C’est tout. C’est du nylon, lisse, doux, fin, nylon qui colle un peu aux poils, nylon noir, chaud, transpirant – donne au corps une odeur rance Continuer la lectureautobiographies #11 | robes

autobiographies #10 | reflets d’elles

Dans le miroir, au-dessus de la double vasque, son reflet étale la crème de jour d’une main experte, front, tempes, nez, ailes, joues, menton, descendre dans le cou et jusqu’entre les seins, en appuyant fort, comme pour défroisser un dessus de lit. Elle se regarde. Un bandeau retient ses cheveux au-dessus du front, ça lui donne l’air d’avoir un masque Continuer la lectureautobiographies #10 | reflets d’elles

autobiographies #09 | où l’on pourrait poursuivre indéfiniment

Quelques chaises dans un tout petit espace, salle d’attente destinée à un seul patient, quelques magazines soigneusement rangés sur une table basse. Il n’y a personne. On passe la porte, le sol est à carrelage ouvragé avec des rosaces, une jeune femme les contemple en silence, avec application, en face d’elle un grand bureau quasiment vide, un homme est assis Continuer la lectureautobiographies #09 | où l’on pourrait poursuivre indéfiniment

autobiographies #08 | couloir ; cuisine ; salon ; chambre ; escalier ; cagibi ; chambre ; chambre ; chambre ; salle-de-bain ;

Sur sa paillasse sommaire la chienne ; elle ne bave pas beaucoup pour un Boxer ; chien brun oreilles coupées en pointe et queue en moignon ; la canine inférieure gauche déborde ses babines ; roulée en boule ; haletante ; l’œil un peu rouge quand le poil de barbe blanc ; contre le rideau marron épais coupant la respiration du vent sous la porte d’entrée ; ça sent Continuer la lectureautobiographies #08 | couloir ; cuisine ; salon ; chambre ; escalier ; cagibi ; chambre ; chambre ; chambre ; salle-de-bain ;

autobiographies #07 | portes frontales

De bois blanc, une fenêtre que l’on a dû pouvoir ouvrir à sa conception (elle possède une poignée comme un gros bâton de réglisse torsadé) occupe toute la moitié supérieure de la porte. A travers la vitre et la ferronnerie ouvragée, les ombres fantomatiques des arbres naissent dans le brouillard. Le paillasson marron aux poils drus s’étalait avant la marche Continuer la lectureautobiographies #07 | portes frontales

autobiographies #06 | cigarettes de nuit

Le visage face à la vitre, face à l’obscurité au-delà qui renvoyait la lumière blafarde du plafonnier et, à contre-jour, le reflet mangé de buée à chaque expiration, le regard barré par la pliure de la fenêtre, là où vers le haut on pouvait ouvrir en bascule une partie de la vitre pour respirer un peu, l’air froid entrait alors Continuer la lectureautobiographies #06 | cigarettes de nuit

autobiographies #05 | cinq dures à avaler

Reprise d’un paragraphe des portraits #2. 7h30. La première prise. Une pilule jaune et dodue, deux petits cachets blancs, une gélule orange et rouge et une pilule verte. Jacqueline ne sait plus vraiment à quoi chacun correspond, mais elle prépare son semainier tous les dimanches en plissant des yeux pour ne pas se tromper. Déchiffrer l’écriture des médecins sur l’ordonnance, Continuer la lectureautobiographies #05 | cinq dures à avaler

autobiographies #04 | rue du jeu de mail des Abbés Bat. C 3ème étage à droite et 35-37 rue de Toulouse

Rue du Jeu de Mail des Abbés, bat. C, 3ème étage. A droite. A gauche, ce sont des noirs qui ont emménagé récemment. Elle n’aime pas trop. Elle en a peur, elle les imagine toujours avec un couteau entre les dents, prêts à venir l’égorger, restes d’années de propagande coloniale. Dès le palier du deuxième étage, les fumets d’huile d’olive Continuer la lectureautobiographies #04 | rue du jeu de mail des Abbés Bat. C 3ème étage à droite et 35-37 rue de Toulouse

autobiographies #03 | le hêtre au grand trou

Son grand trou rond planté là dans la base de son tronc, noueux. Une excavation de la chair, une bouche en sourdine, un œil géant dardé sur ses pairs, une coupe où boire la sève, un creux, un ventre… un ventre où se rouler en boule. Se coucher sur le lit d’humus, entre les cernes épais où creusent les insectes. Continuer la lectureautobiographies #03 | le hêtre au grand trou

autobiographies #02 | portraits en coupe

Il a les traits fins et doux d’une fillette, des cils longs, des doigts de pianiste, Antoine. Il travaille au Pôle bois à trente minutes de route de chez lui. Il y compte et transporte des rondins. Un boulot régulier, alimentaire, il s’y est fait des potes avec qui boire des bières le week-end autour du barbecue. Il ne boit Continuer la lectureautobiographies #02 | portraits en coupe