dialogue #02 | Massalanmo

Et puis soudain, oui, ça y est. Un grondement. On les entend. Massalanmo me souffle à l’oreille : (ils arrivent) Je les sens. L’air s’électrise. Ça arrive oui, démange les corps. Autour de moi, on s’agite. Massalanmo sourit. Certains remontent déjà la rue téléphone en main. En écho à Massalanmo : oui, oui, ils arrivent. Je t’attends. Dépêche-toi. Au niveau de la cathédrale. Continuer la lecturedialogue #02 | Massalanmo

dialogue #02 | l’hirondelle

La route de graviers et de sable se mue en poussière sous la pression de mon pas. Depuis combien de temps cette marche forcée en avant ? La Camargue à l’échelle d’un continent. Voilà où nous en sommes elle et moi. Dans cette végétation revêche, chagrine, imberbe sous un soleil de plomb. Condamnées à claudiquer sous le bleu du ciel, Continuer la lecturedialogue #02 | l’hirondelle

dialogues #02 | la première sortie du grand D’ombre

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© Mina Mond

Ça sonne. Tous les jours. Sans surprise. Quand les aiguilles de la grosse horloge montrent quelque chose à ramasser sur le sol, ça sonne. Ça sonne tout près, pas comme le mercredi des pompiers du mois, quand les aiguilles de la pendule de Malice font la ficelle d’un ballon caché au-dessus de nos têtes même si on lève les yeux et le visage pour suivre la flèche, le ballon échappe, mais le mercredi des pompiers, c’est surtout la sirène qu’on entend qu’on voudrait voir. La sirène des pompiers qui combattent le feu, saute comme un poisson dans l’eau des lances à incendie. Les pompiers sont du côté de l’eau tous les jours, pas seulement le mercredi du mois, mais ce jour-là la sirène a un micro pour qu’on l’entende chanter de loin et que tout le monde se rappelle : tiens ! C’est la sirène des pompiers ! Et ça rend beaucoup de choses possibles si les pompiers ont une sirène, en ce qui concerne les ogres, les monstres extraordinaires et un petit poisson d’or qui viendrait vivre avec nous puisque pour le chien c’est non. Le grand D’ombre sait bien que si je parle comme ça c’est que j’en mène pas large, il ne se gêne pas pour me le dire : (T’as les chocottes, mon poulet ?) Il est toujours un peu drôle, mais je m’explique : (Ni Ça-Chat ni Malice. Tu vois quoi ?) La longue aiguille de la grosse horloge fait la piqûre de rappel qu’il est temps de rentrer à la maison, elle montre le portail bye-bye, y’a pas à discuter. Je suis trop petit pour rentrer tout seul, il ne faut pas parler aux inconnus ni accepter de bonbons dans les voitures et même en regardant plusieurs fois des deux côtés, trop petit pour traverser dans les clous qui passent en bandes de fakir. Comme il est toujours un peu drôle, le grand D’ombre propose : (Tu veux aller à la garderie, petit ?). Il sait bien que ça ne se peut pas. C’est un lieu de malheur, la garderie, avec du goûter étouffant et des enfants qu’on ne reconnaît pas d’une fois sur l’autre, mais leur tristesse, elle a toujours le même goût petit-lu mous, ça fait une pâte dans la bouche, sucrée, oui sucrée, mais ça ne fait pas tout le sucré, sinon on n’aurait pas besoin des frites. Je lui explique au grand D’ombre : (Ça ne se peut pas, la garderie. Et rentrer tout seul non plus. Alors…) Je sens que je vais encore être un garçon-ça-ne-pleure-pas, puisqu’on ne dit pas ça à ceux qui ne pleurent pas, mais aux autres qui ont déjà les yeux tout mouillés dans les cils, comme si ça pouvait nous arrêter de nous faire traiter ! Les garçons-ça-ne-pleurent pas, ça le fait bien rigoler le grand D’ombre, qui aime autant les robes de magiciens que les combis de mécaniciens, logique il dit : (…Alors, tu rentres avec moi.) Je lui réponds très content en respirant, mais tout de suite inquiet en parlant : (Tu sais y aller, toi, chez Malice depuis l’école ?) Et comme il est très malin, comme docteur, il dit du tac au trac : (Non, mais tu vas me montrer.) Je voudrais bien l’impressionner, mais je ne suis pas trop sûr de me souvenir de tout le chemin. Il doit le sentir, que j’hésite, parce qu’il ajoute dare-dare : (Ça peut pas être plus dangereux que la garderie…) La maîtresse et le maître sont en train de fumer dans un coin, dans l’arbre de la cour, les oiseaux chantent très fort le printemps des reproductions, presque aussi fort que la sirène. Quand ça sonne, ils s’envolent tous pour un grand tour du quartier, mais là ils sont de retour depuis un moment, il n’y a plus d’enfants qui jouent avec du bruit, ils y vont à cœur joie Saint-Denis, c’est comme ça que la maîtresse et le maître n’entendent pas le petit portail qui crisse, grâce à la hurlette des oiseaux. Le grand D’ombre est tout léger : (En avant, petit gnou !) lance-t-il comme une balle au loin. Je laisse ma main montrer le chemin. Elle se promène sur le petit muret qui gratte la paume et ensuite il y a la palissade aux affiches qui sentent le poisson, le fer forgé qui se tortille contre les buis chatouilleux et là il faut la retirer tout de suite, la main, zou ! Je préviens le grand D’ombre qui risque d’avoir un choc : (Il y a un chien. Gros) Ça à l’air de l’intriguer, il demande : (Gros comment ?) et le chien se met à hurler derrière la porte du garage. On ne le voit jamais , mais il vit dans une caverne de métal, je précise : (À mon avis, il n’a qu’un seul œil.) Ça fait si peur, cette voix qu’on n’ose plus avancer et Ça-Chat, dans ces cas-là il se moquerait. Il dirait des bêtises, il dirait : (Il n’y a pas de danger), mais le Grand D’ombre est plus fin que ça, il sent bien que même si le chien gros reste dans le garage, sa voix traverse et elle mange l’oreille du dedans et elle revient la nuit dans les rêves avec de grandes dents et un seul œil. Alors il prend les choses en main :  (Ne moisissons pas là, fiston, on n’est pas des petit-lu). Bientôt c’est la route. Le principe est simple : le petit bonhomme vert dit c’est maintenant, mais il ne faut pas lui faire confiance tout de suite et il ne faut pas trop attendre non plus. Bref, c’est assez délicat. Là, les voitures se reniflent, on ne voit plus les bandes blanches pour ne pas marcher sur le noir. Il y a une grande bagarre de Klaxons et c’est beaucoup moins clair que les batailles de polochons, parce qu’on ne sait pas qui à quoi et si ça s’épuise le stock ou pas. Les voitures n’avancent pas et elles ne reculent pas, elles sont serrées comme des sardines. Le Grand D’ombre à l’air préoccupé et finalement il me dit : (Il a dû y avoir un accident). Moi, je lui confirme : (Je préfère quand Malice vient me chercher). Pour être sûr, il me redemande : (Mais tu sais rentrer ? N’est-ce pas ? Je sais que tu le sais. Que tu connais les petits signes de la route. Je me tromperais sur toi ?) Je ne peux pas le laisser en plan, je sens bien qu’il compte sur moi et je veux être fort pour Malice, donc je réponds : (Non, non, pas de trompe d’éléphant, tout est en ordre, on traverse le petit bonhomme est vert à point). Les gens dans les voitures font une drôle de bobine en nous voyant traverser. Il faut danser pour passer entre les pare-chocs, même tout petit et tout haricot vert sans fil, c’est de profil. Une dame baisse la vitre et cherche à nous demander quelque chose. Elle regarde partout autour de nous et elle a l’air de s’en faire alors que je ne la connais même pas. Mais peut-être que c’est une amie de Malice et qu’elle s’inquiète qu’elle ne soit pas là, pas venue à la sonnerie de l’école. Le grand D’ombre tire la sonnette d’alarme : (On file d’ici, petit Gnou.) Ce qui m’ennuie parce que je trouverais plus poli d’aller parler à la dame de la vitre : (Ça la rassurera que tu me raccompagnes). Le Grand D’ombre en a pas l’air si sûr et finalement, moi non plus. On prend nos jambes au cou, comme dit Malice qui devait être une sacrée gymnaste quand elle était jeune parce qu’elle est encore très bien et parfois elle vient même me chercher à vélo. Il y a le square a traverser, c’est mal fréquenté d’enfants qui rigolent de moi à cause des livres, que j’aime, et des ballons, qui ne m’aiment pas. On fait ficelle pour contourner les jeux des petits et pas trop regarder les moyens qui s’embrassent sans respirer et les grands qui sont louches, les yeux en coin, avec des trucs dans les poches, discrètement y croient ! Surtout on ne veut pas regarder les vieux qui saluent Malice à chaque passage et qui demandent des nouvelles qu’on n’a pas. Je lui demande à la fin :(Hé, grand D’ombre ! Tu sais, toi, pourquoi Malice n’est pas venue aujourd’hui ?) Il me fait un petit clin d’œil qui me met dans sa poche à tous les coups :(Non, je ne sais pas, mais c’est un mystère qu’on va résoudre ensemble, agent petit Gnou.) Comme il a l’air parti pour bavarder, je lui demande aussi pour Ça-Chat. Parfois, c’est Ça-Chat quand Malice ne peut pas. Pas de clin d’oeil ce coup-ci, il dit : (Ça s’est un mystère qu’on ne va pas résoudre ensemble.) D’entendre ça, je me sens drôle. Mais on est presque arrivés. La devanture du café où on fait un signe. Là aussi, Nunès le roi du café regarde partout autour de moi. Il sort de son comptoir, il s’approche de la porte, il me hèle, il se demande bien ce que je fais tout seul par là. Quelle blague ! Je hausse les épaules le plus possible et ma main retrouve vite la rampe des petits escaliers qui montent dans les feuilles. Nunès devient de plus en plus loin. Je lui jette des coups d’œil sur le palier de toutes les six marches et après ça tourne, il a disparu. Le grand D’ombre dit tout plat : (Tu as eu la frousse qu’il t’arrête.) Je réfléchis quelques marches en arrachant des fleurs qui poussent n’importe comment au bord du béton et puis j’admets : (Oui, oui, c’est vrai. Il avait peut-être de mauvaises nouvelles de Malice). Le grand D’ombre fait une moue très drôle en disant : (Mouais, je ne crois pas.) Ça me soulage, sa moue. Et puis qu’on arrive devant le portail de chez Malice aussi. La vieille haute grille est fermée, l’auto est là. Je propose de passer derrière par le trou du jardin: (Tu penses que tu passes avec toute ta taille, grand D’ombre ?) Lui, tout tranquille, clin d’oeil et tout : (Oui, petit Gnou, les jours comme aujourd’hui, je passe partout.) Les ronces des framboisiers qui cachent le trou du jardin nous griffent comme des petits chats énervés, mais après c’est tout doux d’herbe. Malice dort dans son fauteuil à grandes oreilles. Pour confirmation, je demande : (Ça ne vaut pas le coup de la réveiller ?). Le grand D’ombre : (Joue doucement sur le tapis, près d’elle.) Comme c’est un docteur, j’en profite pour savoir :(Dis donc, elle dort de plus en plus souvent Malice…) Alors il me fait la promesse : (Si elle ne peut pas venir, moi je serai là).

dialogue #02 | seule en scène

Mais qu’est-ce qui t’a pris de m’emmener là. Le soleil dans la figure après la longue séance dans le noir, où cette femme parlait parlait, tu ne songeais qu’à te rendre dehors, tu réclamais une cigarette alors que tu n’as jamais fumé. Tu as commencé à partir juste en sortant de cette salle de spectacle au beau milieu de l’après-midi, Continuer la lecturedialogue #02 | seule en scène

dialogue #02 | la machine

La gare de Surgeres est un bâtiment élégant, équipé de grandes portes, d’intérieurs carrelés et de mobilier en bois et l’ensemble est un peu ancien.L’Autre sur mon épaule me dit : (Tu ne devrais pas écrire des choses comme cela, c’est ridicule, personne ne croit que la gare de Surgere soit élégante).Stratos : (C’est rassurant le ridicule, on y a ses habitudes).J’attends Continuer la lecturedialogue #02 | la machine

dialogue #02 | décrocher

Pas de merles à Koura. Pas d’heure bleue. Un polygone, ils l’appellent, c’est tout.  ]il faut toujours que tu ne fasses rien comme les autres. Qu’est-ce qui ne va pas dans ta tête ?[ Une zone d’impact, à 130 km au nord-ouest de la ville de Klioutchi dans le kraï du Kamtchatka.Il y pleut des missiles, du Sarmat, du Satan. Continuer la lecturedialogue #02 | décrocher

dialogue #2 | Rave. (Tango parano, variation)

C’est encore un peu ce rêve. Une variation de ce rêve. Le lieu ici est un hangar, peut-être même une usine désaffectée. Les murs sont lointains, perdus dans le noir. De longs et fins poteaux d’acier remplacent les piliers. Toujours du béton lissé au sol et cette musique. Cette lourde musique techno, synchronisée avec des flashs qui zèbrent en rythme Continuer la lecturedialogue #2 | Rave. (Tango parano, variation)

dialogue #02 | un archange automatique

J’avance en reculement dans le cloaque — il pourrait mettre plus de lumière. Une lune ronde fait office de luminaire. Murs de basaltes, comme un ciel endurcit, ils scintillent. La boue luit par nappes. Je distingue les corps: hommes, femmes, de tous ages, en toutes tailles. Fétus de chair. Chiens, rats. Et autres choses organiques. Toutes mourantes ou mortes, renversées Continuer la lecturedialogue #02 | un archange automatique