autobiographies #01 | en glish

Ils appellent ça du fromage de tête. Parce qu’il y a de gros morceaux mal digérés dans le carrelage de l’escalier. Faut pas trop regarder. Risque de mal digérer à son tour. Autour, ça sent la peinture fraîche. Ça pourrait rassurer. Mais ça rappelle plutôt que c’est le moment où tout va commencer. La trouille du commencement à venir. Avec en plus ces phares de voiture qui rentrent partout dès que le soir se fait. Pourtant, le fenestron est tout petit sur le palier mais les phares rentrent quand même. Peut-être qu’il vaudrait mieux dire lucarne comme les autres, ceux du foot de la récré mais fenestron, bien prononcé « fénestrou », ça fait penser au grenier d’où l’on voyait les arbres du jardin, tant qu’il y en avait encore… ça, ça rassure, les arbres ! Et là dans l’escalier où le soir se fait, il y a cette attente interminable avec l’odeur de peinture qui fait battre le cœur plus fort et cette envie de pisser qui monte. Et cette clé oubliée ce matin pour pouvoir entrer et pisser là où il faut.

On peut tourner longtemps dans la cour avant de prendre la tangente, la petite pente vers le terrain de sport, dégagé. La cour, elle est enfermée entre des grands murs. Comme un vélodrome. C’est chouette d’aller vite à vélo, surtout quand ça fait pas longtemps qu’on sait en faire. Les rats sortent parfois du trou du caniveau le plus loin de la porte de l’escalier au fromage de tête. Heureusement qu’ils sont loin. Ça rassure un peu. Après, tant qu’ils sont dans la cour, ils ne font pas de mal. De toute façon, un vélo, ça va plus vite qu’un rat, surtout dans un vélodrome. Les rats, ils pourraient être des spectateurs. Affairés quand même. Et puis, quand il y en a marre, il y a toujours l’espace dégagé du terrain de sport. Les petits peupliers qu’on a plantés dans la bande de pelouse autour du goudron. Qui deviendront peut-être de grands arbres. Ça rassure.

Il y a de quoi oublier qu’on est entre les grands murs. Blanc déjà sale. Avec tous, à l’intérieur, des escaliers en fromage de tête. Mais on peut oublier tout ça parce que la maîtresse a éteint la lumière du plafond et projette les diapositives de la première leçon. La première leçon d’anglais… Ah, ça valait le coup de venir dans une école de la ville ! Tout est en bleu et vert dans la diapositive et un magnétophone parle en même temps. Facile de comprendre que là, on s’appelle Potter -pour savoir l’écrire, il faudra attendre bien sûr ! et qu’en étant l’autre, on s’appelle… -bon, ça c’est une question de mémoire tant d’années après, mais au moment, ça se comprend bien ! C’est facile et pourtant ce n’est pas ce qui était prévu. Il va falloir apprendre des mots entiers et pas seulement un code qui aurait dit que le a devient i et le g devient b… Il va falloir de la patience et prononcer à son tour, même avec l’appareil dentaire qui va donner des nausées dans la gorge et empêcher la langue de bien faire certains mouvements. Mais blue et green, déjà on tient ça, blue et grrrreen, sans racler