Fournier, la gueule ouverte

# 5 – Dialogue à un seul qui parle Fournier, la gueule ouverte Je traverse juste la haie en passant sous le noisetier. Fournier, c’était le voisin. Il habitait une ancienne ferme, avec plusieurs chalets, pierres en bas et bois en haut. Tout est resté en l’état. À deux détails près : l’eau et l’électricité, installés depuis. En 1973, il avait Continuer la lecture Fournier, la gueule ouverte

Au beau milieu de la route

On lui aurait demandé pourquoi elle était sortie ce soir-là, elle n’aurait pas su trop quoi répondre, elle était sortie pour prendre l’air, pour marcher, parce que la vie est belle, elle était sortie et elle marchait sur la route, au beau milieu de la chaussée, devant les voitures, à côté des voitures, au milieu des voitures, elle marchait, elle Continuer la lecture Au beau milieu de la route

Il dit

La chambre est carrée, moquette rase beige, papier peint sur le mur, où s’accroche une fenêtre rectangulaire : quatre carreaux de verre, un cadre de bois blanc, et des rideaux bruns, épais. Le lit est à gauche en entrant, quatre pieds de fer, une couverture de laine, verte, un drap impeccablement tiré, dont on n’aperçoit qu’une bande blanche sous deux Continuer la lecture Il dit

Finis ton assiette ou je téléphone au camion

L’enfant ne bouge pas, il est assis sur le banc, il a les bras croisés, il regarde droit devant lui la vitre du four où son reflet noirci boude autant que lui. Jamais il n’y touchera, c’est exclu, il ne peut pas avaler ça, rien que l’odeur ça lui fout la gerbe, non maman, je ne veux pas, non maman, Continuer la lecture Finis ton assiette ou je téléphone au camion

Mon visage ne m’appartient pas…

Il fait nuit et je ferme les yeux pour ajouter ma nuit à la nuit de la chambre. Je parcours en aveugle les lignes de ton visage endormi.  J’aimerais pouvoir me targuer d’en connaître par cœur les aspérités, d’en avoir surpris la première ride. Ton visage est le mien. Dans la nuit tu me fais face et je sculpte ton Continuer la lecture Mon visage ne m’appartient pas…

nul ne se souviendra de son visage

        ainsi est née Antonia, en sa mémoire, bien que Pierrot ne se souvenait pas de lui, mais sa mémoire il fallait l’honorer, puis ta sœur qui a appelé l’aîné de ses fils Antoine, sans même savoir qui il était ce grand-oncle, mais son aura justifiait à elle seule ce choix, toi tu n’as pas eu de Continuer la lecture nul ne se souviendra de son visage

Immortel

La maison est là, devant moi. Je monte le petit escalier et entre dans cette maison blanche, basse, coquette. Bien entretenue. Je pourrais dire bichonnée. Située au milieu des vignes dans les environs de la ville. Idéale pour des promenades dans la nature. Une grande pièce blanche m’accueille, dominée par un piano à queue en bois couleur miel, aux touches Continuer la lecture Immortel

Oui… bon, je réponds

Il écrit, elle lit dans le calme familier qui s’est instauré et il lève la tête à une sonnerie de téléphone qu’il ne reconnaît pas. Il la regarde, elle ne réagit pas, elle le regarde, il lève les sourcils, elle sourit, la sonnerie s’arrête. «C’était pour toi, non ?», «oui sans doute…». Il s’étonne un instant et puis accepte l’idée Continuer la lecture Oui… bon, je réponds

Tout pour la musique

Louise Joli minois de chat, grands yeux ronds naïfs, bleu glacé comme des lacs de montagnes reflétant le ciel, cheveux blonds coupe carré à la Jeanne d’Arc, un peu essoufflée en permanence comme si elle avait couru, corps mince, presque maigre, mouvements au ralenti En son for intérieur une feuille légère, dentelée, voletant sur la branche, se laissant porter par Continuer la lecture Tout pour la musique