Devant la cuisinière.

Elles sont deux devant la cuisinière. Dans la cuisine la cuisinière et elles à deux devant. La mère n’est pas plantée devant la cuisinière. Le corps de la mère bouge et le corps de l’autre pas. Le corps de l’autre est celui de la fille. Pour la mère le corps de l’autre est celui de sa fille. La mère le Continuer la lecture Devant la cuisinière.

Quand tu seras petite et que moi je serais grande (#10)

Quand tu seras petite et que moi je serais grande… Dès l’enfance on surnomme la petite Pierrette, Louis avait pourtant bien déclaré Eugénie à l’état civil, en souvenir du grand-père Eugène, mais son deuxième prénom l’a emporté, le prénom de cœur, Pierrette, le prénom de sa tante morte trop jeune — d’une maladie innommable, il y a quelques années — Continuer la lecture Quand tu seras petite et que moi je serais grande (#10)

Message personnel

Il est sept heures, Papa claque le coffre, tourne la clef. Je me cale à l’arrière près de la fenêtre, la petite au milieu finit sa nuit (tout à l’heure, chantera à tue-tête), le moyen de l’autre côté lit des bédés. Je regarde dehors, baladeur sur les oreilles tout le long du trajet. Ça va trop vite sur l’autoroute, j’ai Continuer la lecture Message personnel

personnages#10, Gertrude Stein, le portrait par deux

Il l’épouse elle. Elle se marie avec il. Il lui fait un enfant. Elle lui donne deux filles. Il travaille avec elle. Elle travaille avec il. Il veut travailler pour elle et les enfants. Elle veut travailler pour il et les enfants. Il fait des crédits. Elle l’entend au téléphone avec la banque. Il achète les bestiaux. Elle les trait Continuer la lecture personnages#10, Gertrude Stein, le portrait par deux

Du mystère de l’un et de l’autre

Là où l’une était l’autre y était aussi. Mais il ne le savait pas encore. Elle non plus ne le savait pas. Elle était déjà deux alors mais elle se croyait toujours seule. Elle rêvait alors d’être deux, ou plutôt elle rêvait de cet autre qui n’aurait pas été elle mais qui serait en elle avant d’être un autre. L’une Continuer la lecture Du mystère de l’un et de l’autre

TROU #8 2

Il y avait beaucoup de morts De corps d’âges De tous corps Beaucoup Trop Beaucoup Au début Nous les prenions par la main Comme l’enfant Vers l’école la main ferme avec douceur Ou comme L’agneau dans les bras fermes avec douceur Pas hésitants et Nous avions UN MOT murmuré ou dit HAUT pour elle/lui Nous avions pour elle/lui un mot Continuer la lecture TROU #8 2

Nocturne

Des racines grises sur la même toile que des mèches qui, elles, n’ont pas encore perdu leur teinture, des cheveux secs tenus en arrière par un élastique sans fantaisie. Le reste du visage de la femme qui marche est absorbé par un fil tendu sur le trottoir.En son for intérieur : une forêt vierge, libre en tous sens, de la canopée Continuer la lecture Nocturne

Carême

Après la saison des bals qui avaient lieu dans ma ville pendant les mois d’hiver, bal des juristes, bal des médecins, bal des confiseurs, bal des fleuristes, bal des officiers… chaque corporation ayant sa date affectée et dont le bal de l’Opéra était le plus réputé et le plus select… après chaque hiver passé à danser, les fidèles de la Continuer la lecture Carême

Bonhommes de nuit

Et là-bas, au bout de la table, c’est qui ? Les Fissou. – Tu les connais ? Oui. Enfin, elle surtout. – Ah bon et pas lui ? Si, mais un peu moins. – Et pourquoi tu le connais moins ? Eh bien, parce qu’il a été le premier à partir. – Ah bon, il est parti ? Oui. – Et quand il est parti ? Continuer la lecture Bonhommes de nuit