la plupart ne peuvent plus se reconnaitre

celle qui transpire l’angoisse de disparition jusqu’à poisser l’âme de celle qui est sa petite-chair et ses petites-entrailles ; celle qui perd son premier mari des suites de la grippe espagnole et son second sur le champ de bataille de la seconde guerre ; celle qui, digne, cheveux gris relevés en chignon, en bout de table, contemple l’angoisse de sa fille faire Continuer la lecture la plupart ne peuvent plus se reconnaitre

parfois le dimanche

Parfois le dimanche nous montons au village, comme le font les Bastiais. Pour nous qui sommes arrivés à Bastia depuis seulement quelques mois, il serait inconcevable de ne pas se plier au rituel auquel Pierrot met un point d’honneur, peut-être parce que de la fratrie elle est la seule à être née sur le continent, désormais la fille du village c’est Continuer la lecture parfois le dimanche

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Ouiiii, je vais bien, et toi ? Expéditif. Laconique. Logique. SMS. Juste un petit signe de vie. Avec un joli émoticône, si on a de la chance. Pratique ados. Rien de méchant, on s’aime. Je t’aime, Mamiiiiee…Moi, je t’aime aussi, mais j’aimerais un peu plus de lecture, des nouvelles, du développement, des histoires, si possible. Mais non, il ne faut pas Continuer la lecture Liens

la blancheur

Un long moment elle a parcouru les endroits de sa vie récente à la recherche d’un événement cyclique, d’une circonstance, d’une simple scène qu’elle aurait observée ou à laquelle elle aurait participé et qui se serait répétée suffisamment de fois pour être saisie en écriture et restituer une sensation de temps écoulé, mais elle n’a pas trouvé. Depuis qu’elle vit Continuer la lecture la blancheur

En son for au fer fort

Casque brun, chevalier, ligne du regard vert comme chat sous front franc, tour forteresse au centre, large trait de chair rosée, creux aux joues fossettes où le sourire dévoile les dents, barricade qui rompt parfois quand se répand le rire, menton carré : espaces horizontaux juxtaposés de haut en bas vers l’horizon – avancent masqués, marqués au fer fort En Continuer la lecture En son for au fer fort

Et presque dix ans plus tard

…et presque dix ans plus tard, toutes y pensent sûrement un peu, se souviennent que justement, c’était bien peu de s’arrêter à douze mais : elle n’est plus, est décédée, est morte, voilà l’enfance s’arrête et en plusieurs morceaux, leurs doigts jamais ne rassembleront la séparation déjà en amont ; « vous vous vivez les filles et vous devez vivre pour elle », interdits Continuer la lecture Et presque dix ans plus tard

Personnages#9 – Tabaski première

Heureusement que mon frère jumeau adoptif m’a prêté sa compétence à repasser un pantalon avec le fer à braises. Tout le monde est habillé de son mieux dès le matin d’un tel jour. Et il y en a d’impatients à le montrer. Les autres matins, quand on sort de la case des frères célibataires, pourtant à la même heure, on Continuer la lecture Personnages#9 – Tabaski première

mémoire d’un visage

Ne suis pas, n’ai jamais été physionomiste. Le visage de Julien se perd dans le souvenir de sa présence, de la tonalité de son corps comme un escargot. Son gros pull en laine aux cotes lâches laissaient passer le vent et touchaient ses tee-shirts délavés, et en-dessous son torse maigre, ses côtes lisses qui appelaient l’océan, ses côtes comme des Continuer la lecture mémoire d’un visage

Entendez-les crier

Celle qui voulait devenir médecin, mais n’a pu se payer que des études de droit en étant pionne, mariée par conformisme, elle a reproché à ses deux enfants de s’être sacrifiée pour eux, jamais heureuse, toujours frustrée et déprimée ; celle qui a perdu son père à deux ans, élevée jusqu’à ses dix ans par une tante, elle rêvait d’être sage-femme, Continuer la lecture Entendez-les crier