A propos de Isabelle Dartiguelongue

Prof de français, je parle chinois aussi, et j'aime quand les deux langues se catapultent. Prof de FLE aussi. J'aime les mots, et courir, et danser - et ici, à Tiers Livre, c'est la valse des mots, les miens, les vôtres. Me sens chez moi, même si très souvent en voyage.

#L3 | Chemin d’Agoretta

Ses yeux sont encore plissés de nuit tapissés de sommeil lorsqu’elle courbe le dos pour s’incliner, pour voir à qui Robert a ouvert la porte en bas si tôt le matin. La première marche de l’escalier grince, l’une de ses oreilles siffle, un train vient de passer, au ralenti, la gare est juste un peu plus bas, elle ne sait Continuer la lecture#L3 | Chemin d’Agoretta

L#2 | Et puis le train est passé

À l’extérieur, la dalle humide gelée inerte. Dessous, les rails, la voie de chemin de fer recouverte de béton, et qui maintenant ne dit plus son nom. Les rails sont cachés, doublement scellés – direction Behobia. Simplement ce grondement sourd qui irrigue les vitrines des boutiques posées au-dessus, comme des cabines de poupées aux éclairages précieux et recherchés – et Continuer la lectureL#2 | Et puis le train est passé

Coup de glotte

Sous la frange maladroite oscillent les rayons des néons. C’est un couloir lent et long sur lequel baillent des portes ouvertes, alignées sagement, comme les perles du collier de l’aïeule. Le sol chuinte sous ses semelles de plastique caoutchouc mou made in China, alors que son pas s’accélère et dévide à grandes enjambées pressées les numéros des salles allumées mais Continuer la lectureCoup de glotte

Passante à Pasaia

Concentrée sur le nom des arrêts j’en oublie de me perdre. Quelques secondes suffisent pour que j’en sois distraite. Et que je me lève pour la laisser s’asseoir à ma gauche, côté vitre. Elle est passée si près que je ne l’ai plus vue, seulement ressenti le passage le souffle bref de son corps, le relâchement de ses épaules lorsqu’elle Continuer la lecturePassante à Pasaia

Strychnine Rock School Barbey

On dit la fosse je vais dans la fosse – sans qu’à ce moment-là ça puisse prêter à confusion, sans qu’il y ait glissement de sens ni chute ni association malencontreuse avec l’autre, de fosse. On dit la fosse moi j’y reste c’est mieux. Tu rigoles ou quoi je vais pas m’asseoir c’est pas le moment !J’y suis, tendue dans Continuer la lectureStrychnine Rock School Barbey

L’ivresse que

Celle qui enfourcha Rossinante. Celle qui l’éperonna sans se soucier de l’ourlet de sa jupe ni de sa culotte. Celle qui jamais ne s’appela Dulcinée. Celle qui décida d’oublier l’heure du retour et de la marée, celle qui jeta sa montre et les horloges de sa maison de poupées dans la hotte du ferrailleur du coin de la rue. Celle Continuer la lectureL’ivresse que

Georgette

Encore maintenant, et depuis son départ – dès son départ – c’est sa voix qui m’a toujours dessiné son visage. Filigrane calé léger derrière le rideau à côté duquel elle s’asseyait. Ombre épaississant au fur et à mesure que montait la voix. Timbre de ses mots de remontrances flottant nombreux dans l’éclat noir de ses yeux, pas bien grands, mais Continuer la lectureGeorgette

Enneigée 1

Enneigée de sommeil utérin et de vie larvaire dans le ventre de ma mère qui marcha dans la neige un soir de décembre. Ai surgi, vagi, cligné dans la mi obscurité de la chambre silencieuse auprès de ce corps dont je sortais. Ai oublié parfums, lumières et sons des premières années noyées d’enfance. Me suis abreuvée à la tendresse immense Continuer la lectureEnneigée 1

Persiennes

C’est l’hiver derrière les persiennes à nu de teck c’est l’hiver sous la buée tiède qui a envahi le carreau comme une tache trouble que son doigt n’a pas tenté d’effacer elle se souvient qu’elle ne désirait pas vraiment faire le constat du dehors qu’elle avait peut-être oublié en ce temps-là ce que dehors signifiait en dehors d’elle et de Continuer la lecturePersiennes

Augusta

là         ça        sentait la pénombre         la lueur des tomettes         rouges échauffées       par le feu de la cheminée        qui aspirait doucement        de sa langue brûlante        la marmite en fonte        qui pesait bouillante        irradiée des caresses        léchée des flammes        dans l’âtre        dès le matin        pour toute        la journée        pour toute        la vie de la maison        pour toute        la vie de ses occupants        l’oncle qui gemmait        la tante que j’aimais        aux sourcils noirs        épais         au-dessus de ses yeux sombres        qui me regardait        en m’aimant        dans ma robe de velours rouge        et Continuer la lectureAugusta