Famille?

C’était peu après Noël à la montagne, le restaurant de l’hôtel affichait complet. A côté de notre table coincée tout près d’un mur en pierres, une famille était assise, semblable à toutes les familles. Mère et deux enfants, fille et garçon de six et huit ans, le visage absorbé dans l’écran du téléphone que la mère leur avait prêté en Continuer la lectureFamille?

En regard des esclaves

Je passe là de temps en temps, six fois par an peut-être, quand j’ai besoin de clous, d’ampoules ou d’une étagère et que je me rends au Leroy-merlin, ou quand je vais marcher sur la promenade plantée afin d’humer les changements de saison si peu perceptibles à Paris, ou musarder du côté des vitrines des artisans du viaduc qui vendent de Continuer la lectureEn regard des esclaves

La violoniste azérie

Adagio de la première sonate pour violon BWV 1001. Menton fier, cou solide, elle semble pleurer avec ses cordes. Dans le public, un homme laisse des larmes le submerger. Elle cherche en son corps tout ce qu’il enferme de mélancolie. Ce n’est pas difficile à trouver. Il y a le mal du pays, d’autres montagnes que celles d’ici, ce beau Continuer la lectureLa violoniste azérie

L’accompli et l’inaccompli

L’accompli. Absurde sur les planches, terrible sur le quai. Le type tanguait sur ses pieds enveloppés dans des chiffons sales. Il se traînait sur le quai, en faisant le trottoir souterrain. Il laissait dans son sillage une odeur qui soulevait l’estomac. Les regards s’évitaient, ou bien on riait, plus fort enfin ! On chantonnait l’air du ballet qu’on était allé voir Continuer la lectureL’accompli et l’inaccompli

La Blancarde / Arenc Le Silo

Je suis assise côté gauche et je m’appuie contre la vitre du tramway. Dans cet état où j’avance je cherche une distraction. Je tourne la tête. « Regarde ma main ! » La petite fille s’adresse à son père. L’homme est jeune, courte barbe, les yeux bleus cheveux noirs. Direction Arenc Le Silo. Ils sont comme moi dans le tramway marseillais, la ligne Continuer la lectureLa Blancarde / Arenc Le Silo

Trop facile de me dire qu’ils ne sont pas moi

Rien ne l’oblige à tenir sa capuche tout le temps enfoncée sur sa tête. Mais même chez lui, il la porte sans doute ainsi. C’est vrai qu’il n’est pas encore très loin de l’âge des otites infantiles. Et puis il tousse rauque, je l’entends de temps en temps. Il doit passer de longs moments exposé au vent et au crachin, Continuer la lectureTrop facile de me dire qu’ils ne sont pas moi

Tandis qu’Ella

Sur le comptoir en acier brossé. À côté de la tasse de café noir, déjà bu. J’ai ouvert le Moleskine aux pages ivoire lignées de bleu. Mon jardin circulaire, ma chapelle, mon atelier jaloux. Derrière le bar, celui qui doit être le propriétaire termine un Crottin de Chavignol sur une tartine grillée. À l’autre bout, une femme épaisse – mauvaise Continuer la lectureTandis qu’Ella

Personnages de roman

      La foule avance en ondulant à perte de vue, une myriade de pancartes fixées à des mâts portés à bout de bras surmonte les vagues immenses de la manifestation, mille et un corps défilent serrés les uns contre les autres sous un gilet jaune, orange ou rouge, une robe noire ou une blouse blanche, des milliers d’hommes et de Continuer la lecturePersonnages de roman

Chez John

Il a la soixantaine ou bien pas loin John. Un polo à col boutonné dans les tons bleu foncé décoré d’une série de drapeaux formant un cercle, ceux de la Grande-Bretagne sans doute, baskets aux pieds. Le crâne presque chauve, quelques cheveux blancs coupés courts, une barbe naissante blanche également, un centimètre de longueur environ, des yeux clairs, un sourire Continuer la lectureChez John

Regarder les vitrines quand les magasins sont fermés me convient bien. Plus de scrupule, débarrassée de toute impulsion acheteuse, débranchée de toute envie hors de ma vie, je flotte, à regarder les inventions et fantaisies des couturiers. Peu importe le décor ou la clientèle à séduire, je suis aussi intriguée par une devanture vieillotte de couvres- chef que par une Continuer la lecture