#gestes&usages #01 | en dépit du bon sens

À cause de la couleur incertaine du lichen, cette substance chevelue d’un gris pâle, gris de cendres froides, qui s’échevelait sur les branches basses des pins dans cette forêt d’enfance, j’imaginais des histoires de fées, ou plus exactement de sorcières ou d’êtres maléfiques surgissant du fin fond des bois, ou s’élevant sans bruit — telle une vapeur entortillée s’extrayant de Continuer la lecture#gestes&usages #01 | en dépit du bon sens

#gestes&usages #01 | Avant la nuit

A cause de la couleur des draps, déjà jaunis par d’autres avant moi, du bleu glacé des barrières métalliques qui encadraient mon lit, de la pâle procession de blouses blanches venues écouter un cœur dont on osait rien dire, et bien qu’à peine embarquée sur le grand navire, la vie se dérobait, silencieuse. Mais il y avait ma mère, fidèle Continuer la lecture#gestes&usages #01 | Avant la nuit

#gestes&usages #01 | Toulon, rue Mireille,  en 1952 ou 1953

A cause des couleurs qui doivent rester sages et assorties aux saisons : le bleu clair pour l’été, marine pour l’hiver et le duffle-coat…robes en  blanc uniquement pour les vichy d’été  | et là on a droit au vert ou au rouge pour alterner  avec le blanc | ou les chemises à col Claudine, et les écossais des jupes plissées Continuer la lecture#gestes&usages #01 | Toulon, rue Mireille,  en 1952 ou 1953

#gestes&usages #01 | blanc

À cause de la couleur de la neige que je voyais au loin découper l’horizon de ces trous dans l’espace derrière lesquels je retrouvais le mur du plafond de ma chambre d’enfant aussi immaculé que l’était mon absence de ce monde que je ne comprenais pas mais la masse sombre du tapis des forêts mais la musique s’échappant du magnétophone Continuer la lecture#gestes&usages #01 | blanc

#enfances #09 I Que la lumière soit

C’est depuis cette chambre que la lumière révèle son épaisseur. Elle se glisse au petit matin entre les lames des persiennes orientées plein Est et va rayer l’édredon grenat d’un lit deux places. Sous ce lit, là où elle ne peut encore trouver où se poser, dorment, parmi les moutons et les livres, les monstres invisibles avides des cauchemars d’enfants. Continuer la lecture#enfances #09 I Que la lumière soit

#enfances #09 | Tohu-bohu de chambre

Tohu-bohu. C’est le mot qui lui vient à l’esprit s’il devait qualifier sa première chambre d’enfant, celle dont il ne reste presque aucun souvenir mais demeure pour cela même, peut-être, la chambre de la mémoire naissante. C’était d’ailleurs pas une chambre, juste une pièce à vivre. Et c’est pas vrai, il y avait bien un abat-jour, une espèce de plat : Continuer la lecture#enfances #09 | Tohu-bohu de chambre

#enfances #09 | de trois chambres

Une pièce de taille moyenne, peinte de gris très pale. Quand on tourne le dos à la porte fenêtre, haute et assez étroite, qui ouvre sur un balcon régnant entre une avancée jusqu’à l’aplomb du rez-de-chaussée, deux ou trois étages en dessous, et la porte fenêtre un peu plus grande de la pièce voisine, la porte peinte en jaune qui Continuer la lecture#enfances #09 | de trois chambres

#enfances #09 | chambre pour deux enfants

On y entre par une porte qui sonne creux à battre le châssis et qui, mal ajustée, laisse passer un filet de lumière en haut et en bas, bruit et rais bien reconnaissables et rassurants, mais on ignore à quel moment la chambre a commencé à exister dans la configuration dont on a gardé mémoire ni quel âge avaient alors Continuer la lecture#enfances #09 | chambre pour deux enfants

#enfances #06 | D’entrailles et d’outre-temps

Les voix d’avant devaient être plus denses et pâteuses. Plus homogènes, on imagine. Le temps qui ne presse pas, rien que le cours des choses à mettre en mot quand c’est utile. Avant la radio, avant la télé, avant l’internet. On se faisait un vocabulaire pour toujours, un petit réservoir de blague à sortir à l’occasion et les nouvelles pas Continuer la lecture#enfances #06 | D’entrailles et d’outre-temps

#enfances #08 | coutumes et costume

Comme souvent en semaine entre dix-huit heures et dix-huit heures trente ma mère partait chercher mon père à la gare, il revenait du travail. Pendant ce temps mon frère et moi étions chargés de mettre le couvert pour le dîner, nous restions seuls dans le pavillon. La fin de journée nous trouvait un peu excités surtout s’il avait plu et Continuer la lecture#enfances #08 | coutumes et costume