#L12/ Écrire, une boucherie ?

Ton cœur je vais le bouffer, tes yeux les gober avant que les chiens t’arrachent la peau du ventre et que les gabians te récurent la carcasse. Un peu saignante ta phrase. Tu cherches cette force de percussion des mots brefs et familiers. Pareil pour ces infinitifs que tu souhaites tranchants : bouffer, gober, arracher, récurer. La dureté des « r » aussi ? Continuer la lecture#L12/ Écrire, une boucherie ?

#L8 | TE CHERCHER

TE CHERCHER tôt le matin quand les étals du marché se remplissent que les poissonniers disposent le corps inerte des poissons luisants sur des lits de glace et d’algues brunes TE CHERCHER avant que trop de monde n’afflue pour se ravitailler TE CHERCHER avant la chaleur étouffante TE CHERCHER dans l’allée des bouchers des volaillers des charcutiers proposant tripes et Continuer la lecture#L8 | TE CHERCHER

#P 10 | un truc de famille

Un soir de décembre, la petite reçoit un message de son frère : J’ai eu un coup de fil d’H.… dans le genre je tourne autour du pot, ou plutôt du cercueil… Je fais court : « M est fatiguée, un jour j’y passerai, vous pourriez m’aider à agrandir le caveau, ou alors transférer le corps de votre mère près Continuer la lecture#P 10 | un truc de famille

#L10 Ce qui ne se voit pas

Ce sentiment de honte, elle dit, c’est quelque chose dont on ne parle pas, c’est juste quelque chose qui pèse, le contraire d’un ventre de femme enceinte, qui est un poids dont on est fier, qu’on porte au-devant de soi, qui empêche la grâce et gène la marche, mais qui donne à celle qui le présente respectabilité, attire la mansuétude, Continuer la lecture#L10 Ce qui ne se voit pas

#Hors série 2 | récits de l’objet / Le matelas

Pour le repos quotidien du corps vivant. Ring pour l’amour, la douleur et l’agonie. Pour les rêves, les cauchemars et les angoisses aussi. Mais pour le repos éternel du corps mort, plus besoin de son moelleux et de sa souplesse. Ce lapsus de l’écrire avec le « t » du matelot. Soi dormeur chahuté par la nuit. Le vieux Littré pour vérifier Continuer la lecture#Hors série 2 | récits de l’objet / Le matelas

#P9 | L’énigme des visages

C’est une ancienne photographie en couleur, dont les teintes ont virées sépia avec le temps, elle a été découpée en minuscules morceaux, si on les compte on peut en dénombrer vingt-cinq, aux formes variées, déchiquetés en petits fragments tels des confettis de carnaval mais recomposés comme on le ferait avec les pièces d’un puzzle, sans doute parce que la photographie Continuer la lecture#P9 | L’énigme des visages

#P8 | Elle est signée de ton nom

Tu es la cadette du microcosme, longtemps. C’est ce qui fait ta singularité. Tu as le sentiment qu’une ligne est tracée. Qu’il est possible de s’en éloigner pour quelques pas, puis d’y revenir. De toute façon tu le sais bien, on t’appellera. Les regards toujours se tournent vers toi. Minuscule, tu fais tes premières nuits dans un lit bateau. Dans Continuer la lecture#P8 | Elle est signée de ton nom

#P5 Tout arrêt semble impossible

des médicaments Pain Killers par Kurtis Garbutt CC-BY-SA 2.0 Source : Flickr

Entre mes nerfs, le mensonge éhonté de la peur se propage, car je dois, il est vital et nécessaire de me souvenir de demain. L’impératif brouille les certitudes, les pensées se broient et se désagrègent entre elles. Je me demande souvent – trop peut-être – si… …si je n’ai pas oublié de. Si je n’ai pas oublié de la porte Continuer la lecture#P5 Tout arrêt semble impossible

#L6 | La dérision de vivre comme un mot entre parenthèses

L’homme Réveil difficile. Il s’est endormi de longue lutte, nuit agitée de rêves aux images insoutenables, d’une violence rare. Il se réveille en sursaut avec l’impression désagréable de s’être assoupi quelques minutes plus tôt, tendu, la nuque raide, les membres endoloris, des cernes sous les yeux. Une épreuve. Son bras glisse, hésitant, entre les draps tièdes, pour s’étirer et déplier Continuer la lecture#L6 | La dérision de vivre comme un mot entre parenthèses